Par cœur, comme à son habitude, elle récite du Eluard, sans le quitter des yeux. Lui sourit, semblant savourer ce moment suspendu entre deux arbitrages économiques et trois entrevues diplomatiques. Neuf mois après sa démission fracassante du gouvernement sur fond de déchéance de nationalité, Christiane Taubira a partagé mercredi une estrade élyséenne avec le Président.
Officiellement rabibochés, ils étaient réunis pour poser, ensemble, le dernier acte en date de réhabilitation des mineurs grévistes de 1948. Tout un pan de l’histoire de la gauche, mêlant mémoire ouvrière, lutte syndicale et réparation sociale. Du velours pour le chef de l’Etat, qui tente par tous les moyens de raccommoder sa majorité.
Une trentaine d'ayants droit de ces gueules noires condamnées à la mort sociale il y a soixante-huit ans, ainsi que des élus socialistes et communistes du Pas-de-Calais, observent Taubira et Hollande roucouler sous les dorures de l'Elysée. Tout petit monsieur en gilet, veste et casquette de tweed gris, Norbert Gilmez, seul survivant présent et mémoire vivante de ce conflit devenu un symbole de la violence d'Etat, est assis au premier rang. Après la loi d'amnistie de 1981 voulue par François Mitterrand et l'indemnisation financière qui n'a été versée qu'en 2014, Hollande s'apprête à rendre à quatre mineurs leurs grades militaires. «Par vos mots, par vos gestes, vous réparez une injustice d'Etat», déclame l'ex-garde des Sceaux, qui s'est battue pour que 30 000 euros soient versés aux familles. «Christiane Taubira est une grande Française», a frétillé Hollande, saluant la ténacité de son ancienne ministre.