Au départ, c'était une belle réflexion spirituelle. Quand le père Régis Charre, le curé des Minguettes, a évoqué une option végétarienne dans les cantines de Vénissieux (banlieue de Lyon), il ne pensait pas nourrir une polémique sur l'islam. Aux «ateliers du jeudi», le père Charre, homme de combats - trente-cinq ans d'activité dans les quartiers en détresse autour de Lyon - parle «de tout». Cette fois, c'était le trop-plein de viande dans les cantines de Vénissieux : le curé a suggéré que les familles puissent choisir pour leurs enfants un menu végétarien.
Dans la commune, le débat dure. Depuis 2013 au moins, la maire PCF, Michèle Picard, et son opposant PS Lotfi Ben Khelifa s'affrontent : le second veut des plats de substitution quand la première s'y refuse, afin de ne pas «faire entrer le fait religieux» dans un établissement public, comme l'a raconté le Progrès. Depuis jeudi soir, un élu local de droite, Christophe Girard, s'en mêle : «Le père Charre se fait l'apôtre d'une revendication qui relève à 99 % de l'islam politique.»Le curé s'étonne : «Le halal ? Il n'y en aura jamais dans les écoles au nom de la loi sur la laïcité. Et je n'ai jamais entendu un responsable musulman suggérer que soit servie de la viande issue de l'abattage rituel.»
C’est toute la cruauté de la simplification des idées et de l’air du temps, chargé en névroses sur l’islam. Régis Charre plaçait ses motivations loin du halal, dans un mélange d’écologie et de lutte contre les inégalités.
Presque un miracle, Michèle Picard pourrait cependant lancer une concertation sur le sujet. Pour le curé, le plus difficile sera de convaincre ses ouailles, les classes «hyperpopulaires» : «Pour certaines familles, la cantine est le seul endroit qui sert de la viande à leurs enfants», raconte l'ecclésiastique. A 58 ans, il «essaie» lui-même de diminuer ses rations de viande. Pas toujours simple, mais il s'y emploie, comme il dit.
Photo Sébastien Erome