Blanchi. Ce lundi, le lactarium (structure de recueil de lait maternel) de l'Assistance publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) reprend ses activités après près d'un mois de suspension. Sans qu'on ait pour autant d'explications sur ce qu'il s'est passé il y a un mois. On s'en souvient, le vendredi 2 septembre, l'AP-HP avait décidé de suspendre la délivrance de lait du lactarium d'Ile-de-France, structure rattachée à l'hôpital Necker, avec rappel des lots. Et cela, nous disait-on, en concertation étroite avec les autorités sanitaires. Bref, une décision importante qui faisait suite à trois cas d'infection de prématurés dans deux de ses services de néonatalogie depuis le 6 août, par «Bacillus Cereus». Il s'agit d'une bactérie fréquemment présente dans l'environnement, la plupart du temps anodine mais pouvant avoir des conséquences graves chez certains grands prématurés ou personnes fortement fragilisées. Deux des nouveau-nés, grands prématurés, sont ainsi décédés.
L’affaire, sur le moment, avait été largement reprise dans les médias, comme s’il y avait derrière des soupçons de négligences. Depuis le 3 septembre, une série d’enquêtes approfondies ont été menées par les équipes opérationnelles d’hygiène de l’AP-HP, par l’Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé - ANSM ainsi que par l’ARS Ile-de-France, en lien avec le Centre de coordination de la lutte contre les infections associées aux soins-Nord. Objet : comprendre les causes des contaminations. Y a-t-il une cause commune ? D’autres enquêtes ont porté sur le circuit du lait provenant du lactarium de Necker, de son arrivée à la biberonnerie jusqu’à la distribution aux nouveau-nés.
Souches différentes
Et ce n’est pas tout : une analyse poussée des dossiers médicaux des nouveau-nés a été menée pour rechercher d’éventuelles autres sources communes. Des analyses bactériologiques visant à identifier l’existence ou non de facteurs communs aux différentes contaminations ont eu lieu, notamment des comparaisons génétiques des souches identifiées chez les nouveau-nés, dans du lait ou dans l’environnement.
Résultat ? Aucune réponse, en tout cas aucune certitude. «On ne sait pas», nous a dit la professeure Claire Poyart, qui dirige le laboratoire de microbiologie à l'hôpital Cochin. «Nos travaux ont montré que les trois enfants touchés l'ont été par des souches différentes. Les analyses effectuées à l'Institut Pasteur et dans le laboratoire de bactériologie de l'hôpital Cochin n'ont pas permis de trouver de source commune entre les souches identifiées chez les nouveau-nés, le lait ou l'environnement.» Elle ajoute : «Aucune analyse microbiologique ne permet d'établir la responsabilité du lait issu du lactarium dans les cas détectés.»
Qu’est ce qui a bien pu se passer ? Comme ce bacille se trouve partout, tout est en fait possible. Celui-ci peut se retrouver dans le sol, l’eau, les végétaux. Il peut survivre à la chaleur. Il peut contaminer les aliments et être responsable d’intoxications alimentaires chez l’homme, habituellement bénignes. On n’en sait pas plus. Les bacilles ont des histoires, parfois, inconnues. Et cette ignorance devrait conduire les différents acteurs à un peu de modestie, en dépit des progrès spectaculaires de la biologie moléculaire.