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Billet

Réserve parlementaire : un recul de la transparence ?

Les députés ont jusqu'à la fin de la semaine pour soumettre leurs demandes de subventions au titre de la réserve parlementaire. Leurs demandes sont cette année moins transparentes que les précédentes.
A l'Assemblée nationale, juin 2016. (Photo Thomas Samson. AFP)
publié le 4 octobre 2016 à 18h09
(mis à jour le 5 octobre 2016 à 10h32)

C'est l'heure ! En marge du travail législatif sur le budget, les députés doivent envoyer à la rapporteure générale du budget leurs demandes de subventions pour l'année 2017, au titre de la réserve parlementaire. Date de rendu des copies, le 7 octobre. Et cette année, c'est encore moins transparent que d'habitude. Selon les informations recueillies par Libération, on ne demande plus aux députés de détailler la description du projet qu'ils souhaitent voir financer.

La réserve parlementaire, c’est un pactole de 130 000 euros par député (260 000 euros pour les présidents de groupe) qu’ils peuvent distribuer aux associations ou collectivités de leur choix, pour des projets spécifiques. Ce qui représente un total de 81,25 millions d’euros. Les sénateurs distribuent de leur côté 52,18 millions d’euros.

Pour attribuer ces subventions, la répartition relève du choix du député, et de ses collaborateurs, sans qu'ils ne détaillent leurs critères. La majorité distribue leurs subventions dans la confidentialité de leurs bureaux, même si certains font appel à des commissions d'électeurs choisis au hasard – comme le fait Isabelle Attard, députée écolo du Calvados – ou parmi les associatifs – c'est ce que fait Erwan Binet, député socialiste de l'Isère.

Seule avancée récente : la transparence de son attribution

Depuis son égale répartition, et sa transparence, décidée par Claude Bartolone en 2012 à l'Assemblée, la seule avancée récente au sujet de la réserve est la transparence de son attribution pour l'ensemble du Parlement. Elle a été initiée en 2013, après une bataille judiciaire entre un professeur de mathématiques et l'Etat. La publication a été confirmée quelques mois plus tard dans la loi, à l'occasion de l'étude de la loi sur la transparence de la vie publique qui fit suite à l'affaire Cahuzac, grâce à un amendement de Laurence Rossignol, alors sénatrice socialiste, pour obliger le Sénat à publier les informations. Une transparence qui devient moins évidente, si les députés ne doivent plus décrire quels types de projet ils financent, comme c'est le cas avec les demandes de 2017, année de renouvellement des mandats des députés.

Et si la transparence permet certes de révéler des conflits d'intérêts ou des opérations de clientélisme, personne au parlement ou au gouvernement ne s'en empare. On a pu ainsi voir des parlementaires financer des communes dont ils sont maires – citons Hubert Falco ou Jean Leonetti – ou des associations dont ils sont trésoriers ou président, comme le sénateur LR des Côtes-d'Armor Michel Vaspart ou le sénateur LR des Français de l'étranger Louis Duvernois.

Et ceci, sans aucun contrôle. D'un côté, les ministères attributaires se cachent derrière la séparation des pouvoirs pour ne s'intéresser qu'à la possibilité administrative de verser la subvention. De l'autre, les présidents des assemblées ne font rien et les parlementaires qui gèrent la réserve se retranchent derrière la «seule responsabilité» de chaque parlementaire. «L'attribution de la réserve parlementaire découle de la seule responsabilité du député concerné», explique à Libération Valérie Rabault, la rapporteure générale du budget, qui rassemble les demandes à l'Assemblée.

De fait, chacun se renvoie la balle sur le contrôle de la distribution de ces subventions. Après une sévère mise en garde de la Cour des comptes, Michel Sapin et Bernard Cazeneuve ont expliqué que «le ministère de l'Intérieur n'interfère pas dans le choix des bénéficiaires ou des projets». «L'évolution du dispositif ne peut être envisagée qu'en associant pleinement les deux assemblées», poursuivent-ils. Claude Bartolone et Gérard Larcher sont depuis restés muets à ce sujet, et n'ont pas non plus répondu à nos demandes.

[màj le 5 octobre après des précisions du cabinet de Claude Bartolone.]