Elle n'était pas féministe. Pour Alma Guirao, 29 ans, le terme était «péjoratif, galvaudé». Mais ça, c'était avant d'être victime «de l'agression sexiste de trop», il y a un an. Après avoir été la cible d'insultes misogynes, dans la rue, elle s'est interrogée sur ce qu'elle pouvait faire : «Je ne me sentais pas légitime d'aller porter plainte pour des insultes, même si c'est dans la loi. Je me suis rendu compte que c'était un sentiment – cette solitude – commun chez les femmes. En s'habillant avec une jupe trop courte, on sait ce qu'il va [nous] arriver». La jeune entrepreneuse a alors décidé de créer un outil pour «libérer la parole [et] trouver du réconfort». Ce mardi, elle lance Hands Away, sorte de réseau social des agressions sexistes.
Le principe est simple : après avoir téléchargé l’application et vous être inscrit.e (aucune information sur votre identité ne filtrera, même si vous vous inscrivez avec un profil Facebook, promet l’entrepreneuse), chacun peut s’exprimer, en se géolocalisant, après avoir été victime ou témoin d’insultes, de «drague» lourde, etc. – évidemment, si vous êtes témoin d’un viol ou de violences physiques, vous feriez mieux d’appeler la police.
Des «street angels» peuvent vous contacter
Les personnes connectées à ce moment-là, appelées «street angels» (anges de rue), peuvent alors vous contacter pour vous apporter leur soutien, ou témoigner de situations similaires. Cela permet à la fois de verbaliser, de qualifier son agression, et d'être soutenu.e. «C'est une main tendue vers les femmes qui ne se sentent pas légitimes d'en parler et une façon de donner aussi la parole au témoin, qui ne sait pas trop comment réagir et ne réagit donc souvent pas», résume Alma Guirao. De la même façon, si une femme se trouve mal à l'aise, elle peut voir qui est à proximité pour éventuellement faire le chemin ensemble, promet le dossier de presse. Quant au risque que de potentiels agresseurs fassent eux-mêmes usage de l'application, il est limité, les utilisateurs s'évaluant les uns les autres, lit-on encore.
En 2005 en Egypte, une application du même type avait été sortie. Nommée Harrass Map («carte du harcèlement»), elle permet de signaler des agressions et d'accéder à des services gratuits, comme une aide psychologique.
Au-delà de l'aspect immédiat, Hands Away a pour ambition de créer une sorte de cartographie des violences sexistes de rue, en France. «Il y a des campagnes de sensibilisation mais on n'a pas de données exactes : l'idée est de quantifier ces agressions», explique la fondatrice de l'appli. Les données, anonymisées, seront ensuite rétrocédées gratuitement à la Mairie de Paris, la RATP et la région Ile-de-France «pour que les pouvoirs publics puissent agir», ajoute-t-elle.