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Andouilles

Jadot: «Une société écologique plus qu'une présidence écologiste»

Yannick Jadot vainqueur de la primaire EELV pour la présidentielle 2017dossier
Dans un courrier envoyé à ses soutiens après le débat de la primaire écologiste jeudi soir, l'eurodéputé qualifie de «doux-rêveurs» ceux qui croient à une victoire d'un candidat EE-LV dans sept mois.
Yannick Jadot avant le débat LCP-Libération pour la primaire EELV, à Paris, le 27 septembre. (Photo Laurent Troude pour «Libération»)
publié le 7 octobre 2016 à 14h28

Ce fut un moment remarqué du deuxième débat de la primaire des écologistes, jeudi soir sur BFM-TV en partenariat avec Libération. Dès le début des échanges, l'eurodéputé Yannick Jadot a critiqué la position de Cécile Duflot expliquant qu'elle pouvait l'emporter en 2017 malgré des sondages toujours sous les 5%… «Je vais vous dire le fond de ma pensée, a souligné Jadot, je ne crois pas qu'il y aura un président écologiste en 2017, je pense que si nous voulons reconquérir l'électorat, c'est par la crédibilité de notre discours, la crédibilité de nos solutions, sur le climat, sur la démocratie, sur les inégalités». Attaqué ensuite par ses trois autres concurrentes sur sa «candidature de témoignage», Jadot s'est montré assez agacé, en coulisses, pendant les coupures pub. «Dire qu'on peut faire 30% aujourd'hui je n'y crois pas. Personne n'y croit», a-t-il lancé à notre attention pendant la première pause. Jadot continue lors de la seconde : «Si tu continues à baratiner les gens en leur disant que tu vas faire 30%…» Et l'eurodéputé, à la sortie du plateau de continuer à deviser sur le sujet devant l'immeuble de la chaîne d'info en continu.

Pas un «baratineur»

Se présenter à une élection et dire d'emblée qu'on n'a aucune chance, c'est souvent prendre le risque d'envoyer ses électeurs au premier tour de la présidentielle vers d'autres candidats (Jean-Luc Mélenchon? François Hollande? Arnaud Montebourg? Emmanuel Macron?) qui ont (un peu) plus de chances de l'emporter. Mais Jadot assume : dans un mail envoyé jeudi soir à ses soutiens après le débat et que Libération s'est procuré, l'eurodéputé défend sa position : «Pour déminoriser l'écologie il ne faut pas la ridiculiser en répétant comme un mantra qu'on va devenir présidente alors que 99,99 % des Françaises et des Français et 100% des écologistes pensent que cela n'arrivera pas, écrit-il. Il faut dire la vérité aux gens et alors ils écouteront ce que nous avons à leur dire». Et bim pour Duflot…

Jadot explique ainsi que «lorsqu['il sera] le candidat des écologistes à l'élection présidentielle, [il ira] expliquer aux Françaises et au Français comment on peut sortir du nucléaire, comment on peut arrêter d'utiliser des pesticides, comment on peut sortir du chômage et de l'austérité». «Je n'ai pas du tout l'intention qu'ils me prennent pour un baratineur parce que juste avant je leur aurais dit que je serai le prochain président de la République, poursuit-il. Je serai candidat à l'élection présidentielle pour convaincre des non écologistes que l'écologie est la solution, pas pour les conforter dans l'idée que nous sommes des doux rêveurs. Je serai candidat à l'élection présidentielle pour faire progresser la majorité culturelle dans la société et qu'un jour elle bascule enfin du côté de l'écologie, pas parce que je me serai converti à un présidentialisme de confort.»

Un «discours de vérité»

L'élu du Grand Ouest au Parlement de Strasbourg depuis 2009 dénonce ainsi «la méthode Coué» de ses camarades: «Les gens se rendent compte quand on les prend pour des andouilles, et ils trouvent même que c'est une marque de fabrique des politiciens, ils ne relèvent plus, mais ils ne suivent plus non plus. Je veux reconquérir les déçus de la politique et les déçus de l'écologie en leur tenant un discours de vérité, pas en leur proposant de devenir des autruches».

Ainsi, veut-il croire, «l'enjeu de cette campagne de 2017 c'est de redonner crédibilité et légitimité à l'écologie politique. Ce sont aussi les législatives. Je veux que les 577 candidats écologistes soient dans la dynamique positive du meilleur résultat qu'aura fait l'écologie à une présidentielle, pas dans la déprime de celui qui disait à chaque phrase qu'il allait gagner et qui a fait 7 %. Besancenot n'a pas dit une seule fois qu'il pensait gagner l'élection, ça ne l'a pas empêché de faire trois fois plus que nous».

Défier Duflot sur la «crédibilité»

Jadot a donc décidé d'aborder sa fin de campagne à la primaire (les près de 17 000 inscrits à la primaire de l'écologie ont jusqu'au 17 novembre pour envoyer leur bulletin de vote) sur la question de la «crédibilité» : «Depuis quand les écologistes misent sur une présidence écologiste plus que sur la société écologique? Avons-nous tellement dérivé que nous jouons sans recul la présidentialisation de la République et l'ultrapersonnalisation de l'écologie? interroge-t-il. Etre lucide ne m'empêchera pas d'aller arracher chaque voix pour que le projet radical que nous portons progresse durablement dans la société ! Au contraire. Cela m'en donne la crédibilité. Et cela construit les victoires à venir!» Jadot termine son courrier : «Comme vient de me dire un ami : une vérité qui dérange vaut mieux qu'un mensonge qui conforte.» Qualifier ses concurrentes de «menteuses», ça peut aussi laisser des traces pour la suite.