Le 11 décembre 2015, quand François Hollande reçoit à l'Elysée les deux journalistes du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, le chef de l'Etat a repris ses habits d'ex-premier secrétaire du Parti socialiste. Il veut parler de son ancienne boutique et donc… de stratégie électorale dans la perspective (encore lointaine) de 2017. Son diagnostic est impitoyable sur sa vieille maison. Elle ne serait pas adaptée à la nouvelle géographie de la gauche. «Tant qu'il y avait des partis de gauche, les communistes, les Verts qui acceptaient de faire alliance avec le PS et qui représentaient quelque chose, on n'avait aucun intérêt à refonder le PS, analyse le chef de l'Etat. Mais dès lors que ces alliés se sont rigidifiés, sectarisés, il faut faire sans ces partis-là. Comment ? Avec le parti le plus important, on en fait un nouveau qui permet de s'adresser aux électeurs ou aux cadres des autres partis. Ce que vous ne faites plus par les alliances, vous le faites par la sociologie. Par l'élargissement. C'est une œuvre plus longue, plus durable, moins tributaire d'alliances. Vous pouvez imaginer que viennent aussi des gens qui n'ont jamais fait de politique partisane, des gens du centre…»
«Il faut dire que c’est l’héritier du PS»
Le fameux dépassement de la gauche par le centre, à cause de partenaires devenus
«sectarisés»
ou
«rigidifiés»
. Ce soir-là, François Hollande est donc totalement sur la ligne de son Premier ministre, qui avait déjà, dans une interview à
l’Obs
en octobre 2014, appelé son parti à se
«réinventer ou mourir»
et dépasser
«cette gauche passéiste»
. Déjà Valls avait milité pour un changement de nom de son parti. A l’époque, François Hollande exprimait en privé que son Premier ministre avait eu tort de remettre cette question sur la table. Mais ce soir de décembre 2015, le chef de l’Etat a manifestement changé d’avis et rejoint la position de Valls.
«Il faut créer quelque chose qui ne soit pas factice
, insiste-t-il.
Si c’est factice on nous dira : c’est un tour de prestidigitation, on a compris. Vous avez eu le PS. Vous avez fait un coup comme Sarkozy avec l’UMP pour échapper à la justice électorale au moins ! Il faut dire que c’est l’héritier du PS. Le PS ne peut se dépasser que si d’autres viennent le rejoindre. Chaque fois que j’en parle à Cambadélis, il me dit : “On va le faire, on va le faire”. Mais ça tarde»
.
Hollande semble alors pressé. Il veut que son projet aboutisse au début de l'année 2016. «Il y a intérêt à le faire dans la perspective d'une élection présidentielle plutôt qu'au lendemain», poursuit Hollande. Comment rebaptiser alors ce Parti socialiste ? «Le meilleur [nom, ndlr] qu'on pourrait trouver, c'est le Parti de la gauche, quand on y réfléchit bien», confesse-t-il. «Comme on ne peut s'appeler pas comme ça, il y a le Parti du progrès. Le parti des progressistes. On peut y mettre des écolos. C'est facile à comprendre : vous êtes pour le progrès ? Oui. Le progrès social, humain.» A-t-il peur de braquer ce qu'il reste de vieux militants socialistes ? «Il y en a de moins en moins ! balaye-t-il. Et puis le propre d'un électeur ou d'un militant socialiste, c'est de vouloir gagner. Ce n'est pas de conserver. Mais il faut garder Jaurès, on a une histoire, on ne vient pas de nulle part».
Finalement, de changement de nom du PS, il n’y en a pas eu. Juste, en avril 2016, le lancement de cette Belle alliance populaire (la BAP), une ébauche de débauchage de quelques personnalités de la société civile et de transfuges d’EE-LV pro-gouvernement, sans la gauche du PS. Pas franchement un dépassement.
(1) «Un Président ne devrait pas dire ça…», de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Stock, 672 pp., 24,50€.