Nouveau contretemps dans le démantèlement programmé de la «jungle» de Calais. Onze associations, parmi lesquelles Emmaüs, le Secours catholique et l'Auberge des migrants, ont saisi en référé le tribunal administratif de Lille pour s'opposer à son évacuation, programmée à partir du 24 octobre. A partir du moment où ce recours en justice sera officiellement lancé, ce jeudi, les juges auront quarante-huit heures pour statuer. Les associations estiment que l'opération planifiée par les pouvoirs publics constitue une «atteinte aux droits fondamentaux des exilés» du bidonville calaisien, qui sont entre 5 700 et 6 500 à y vivre. Christian Salomé, de l'Auberge des migrants, détaille les raisons de cette nouvelle épreuve de force.
Vous étiez engagés dans une concertation avec le ministère de l’Intérieur pour l’évacuation de la jungle. Pourquoi ce changement de pied et cette décision de contester en justice le démantèlement ?
Au départ, ce démantèlement était présenté comme une opération humanitaire permettant la prise en compte des besoins des personnes. La situation a changé quand François Hollande est venu à Calais. On a eu l'impression que l'objectif consistait surtout à ne plus avoir aucun réfugié à Calais. On va mettre des gens dans des bus pour les éloigner de la région vers des centres d'accueil et d'orientation (CAO). Par ailleurs, les autorités veulent fermer le centre d'accueil provisoire (CAP) [qui héberge 1 500 personnes dans des conteneurs] et le centre Jules-Ferry. Nous souhaitons que le gouvernement revienne à sa première ambition, celle d'une opération humanitaire.
Qui sont les oubliés du dispositif gouvernemental, selon vous ?
Pour les migrants qui veulent aller au Royaume-Uni et qui ont des raisons valables de le faire, rien n’est prévu. De même, le gouvernement ne semble avoir aucune solution pour les mineurs isolés. Ces derniers relèvent de l’aide sociale à l’enfance, une compétence des départements. Il semble que de ce côté-ci, les places manquent aussi. Il faut mener un diagnostic sérieux des situations individuelles.
En lançant ce référé, ne risquez-vous pas de mettre en péril la «mise à l’abri» de milliers de personnes souhaitant demander l’asile en France ?
Nous ne contestons pas le fait de détruire le bidonville, bien au contraire, surtout à l’entrée de l’hiver. Il faisait 4 degrés dans la jungle mardi matin. Mais nous contestons la manière. Evidemment, nous sommes en faveur des départs en CAO pour ceux qui le souhaitent. Si des gens veulent partir, ils doivent pouvoir le faire, sans attendre, d’autant que les places d’hébergement existent.