Un dimanche pluvieux. La radio qui évoque à nouveau le piratage de Yahoo. Au fait, n'avais-je pas créé un compte sur Yahoo il y a une dizaine d'années… Peut-être est-il temps de s'en débarrasser. Je ne l'ai jamais utilisé, sauf en téléchargeant quelques photos sur Flickr en 2010. Sauvegarde des images, export des informations ! Je n'existe normalement plus dans la base de données de Yahoo. Après vérification, il se trouve que mon compte Tumblr, racheté par Yahoo en mai 2013, est maintenant considéré comme un compte Yahoo… Mon adresse mail n'a donc pas complètement disparu des serveurs de l'entreprise. Et si je continuais sur ma lancée ? Un ménage d'automne dans tous les comptes inutilisés. Je commence par quelques sites évidents, qui se rappellent trop souvent à moi par des mails. LinkedIn, Copains d'avant… Je découvre que des sites proposent gratuitement des recettes de désinscription, comme supprimer-un-compte.com ou accountkiller.com. Souvent collaboratifs, ils détaillent la procédure pour tous les services. Je n'ai pas trouvé, en revanche, de site qui me permette de voir tous les comptes associés à mon adresse mail. Je partage mon occupation du soir sur les réseaux sociaux. Sans surprise, les comptes des grandes boîtes américaines sont les plus faciles à fermer. On trouve rapidement un lien pour télécharger ses données. En trois clics on est débarrassé. Sur d'autres plateformes plus confidentielles, c'est plus artisanal. Mail à envoyer à une adresse contact. Ou pire, courrier en papier, avec photocopie de pièce d'identité.
Lorsque je veux partir, les messages culpabilisants sont nombreux. J'avais déjà expérimenté ça quand j'avais supprimé mon compte Facebook en 2013. Les visages de mes connexions qui seront «déçues de me voir partir». Un petit sondage qui me demande pourquoi je souhaite supprimer mon compte, suggérant d'autres options que la suppression définitive en fonction de mes réponses. Ils ne veulent pas me laisser partir aussi facilement que ça. Sur Twitter, des personnes me partagent fièrement le résultat de leurs propres suppressions. Je me demande si je me suis transformé en Marie Kondo numérique. La consultante en rangement a fait un succès en librairie grâce à la Magie du rangement. Tout irait mieux, expliquait-elle, si on se débarrassait de tout le superflu. Prendre un objet, se demander s'il nous fait plaisir, si ce n'est pas le cas le jeter. Trier et ranger permet aussi de ranger son âme. Je continue ma liste. Tous les comptes qu'on a ouverts un jour. Retrouver les mots de passe. Trouver le bouton pour supprimer. J'ai réussi à faire : Yahoo, Flickr, LinkedIn, SlideShare, PokemonGo, Viadeo, Deezer, Vodkaster, SensCritique, Swarm, Foursquare, Ello, Copains d'avant, Telegram, Last.fm, IFTTT, myTF1.fr, KissKissBankBank, Fnac.com, Darty.com, Medium, Twitter, Twitpic…
Je prends conscience, en supprimant mon compte sur SlideShare, que des gens ont sûrement joué avec mes données dans mon dos. L'entreprise, qui a été rachetée par LinkedIn, les a utilisées - parmi beaucoup d'autres, certes - comme monnaie d'échange. Le nombre d'utilisateurs est un actif important pour ces entreprises. Comme le notait le New York Times dans une enquête, «quand une entreprise est vendue, vos données sont vendues en même temps». En m'ôtant de tous ces sites que j'utilise peu ou pas, j'aide à redonner la juste valeur aux entreprises qui les exploitent. Combien de fantômes numériques côtoyons-nous en naviguant ? Parmi les 13 millions d'utilisateurs de Copains d'avant, qu'il revendique en se disant premier réseau social de France, combien sont réellement actifs ? J'ai tenté de joindre Copains d'avant, qui ne m'a pas encore répondu. Ils continuent cependant à m'envoyer des mails alors que j'ai supprimé mon compte deux jours plus tôt.
Dans un mois, il faudra faire le tour pour s'assurer de la bonne suppression des comptes. Après cinq journées de nettoyage, la liste de ceux à supprimer s'allège puis s'allonge. Un site commerçant me rappelle tous les autres. Un compte sur un réseau social fait remonter les autres à la surface. Le sentiment d'être un peu moins lourd. J'hésite à supprimer aussi ceux que j'utilise. Twitter, Instagram, Snapchat, WhatsApp… Ils me servent encore mais je pourrais sûrement vivre sans. Et mon compte sur Libération.fr, si je le supprimais aussi ? Il faut savoir calmer ses ardeurs. On verra plus tard.