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Libération
EDITORIAL

Garde-fous

publié le 21 octobre 2016 à 20h11

Et si la démagogie ne payait pas ? En tout cas bien moins qu’on ne croit ? Depuis deux mois, voyant que ses incontestables qualités de candidat - talent oratoire, capacité à saisir l’air du temps, activisme à revendre - ne suffisaient pas à faire décoller sa campagne, Nicolas Sarkozy a choisi d’aller au devant de l’inquiétude identitaire exprimée par les enquêtes d’opinion. Chassant sur les terres du Front national, droitisant son discours, il a érigé le burkini en symbole de ses choix «anticommunautaristes», c’est-à-dire, en l’espèce, antimusulmans, et réclamé des modifications législatives ou même constitutionnelles destinées à satisfaire cette partie de l’opinion qui place l’islam en tête de ses hantises pour l’avenir. A coups de formules à l’emporte-pièce, il a électrisé ses meetings en réclamant «l’assimilation» plutôt que l’intégration et usé de la laïcité comme d’une arme de combat contre la minorité musulmane. Las ! Un mois avant l’échéance, sa candidature, si elle mobilise de plus en plus ses partisans initiaux, échoue à élargir son audience. Tenant bon sur un programme de droite classique, assumant le thème de «l’identité heureuse», Alain Juppé reste le grand favori de la primaire. Comme si le peuple dont se réclame Sarkozy, qu’il oppose à des élites coupées des réalités, n’aimait pas tant que cela, finalement, les formules simplistes et les grosses ficelles du nationalisme à front bas. Certes, le peuple déteste la langue de bois. Mais prise-t-il la vulgarité dont usent et abusent les leaders «populistes», tel Trump aux Etats-Unis ? Bien sûr, tout peut encore changer et ce diagnostic optimiste peut être invalidé par une campagne sarkozienne fondée avant tout sur l’énergie et l’opportunisme thématique. Mais si l’hypothèse avancée se vérifie, on pourra en déduire qu’il existe encore quelques garde-fous républicains au sein du peuple français.