L'instabilité fiscale, mal chronique français ? Un an à peine après la promulgation de la loi Macron, les députés viennent de voter, contre l'avis du gouvernement, un retour en arrière sur la fiscalité des actions gratuites (AGA). L'ex-ministre de l'Economie l'avait allégée pour favoriser les entreprises innovantes en leur permettant de fidéliser leurs collaborateurs et au-delà, de développer l'actionnariat salarié. La majorité vient de détricoter en partie ce dispositif en raison de l'effet d'aubaine fiscale qu'il a généré dans les grands groupes du CAC 40 : ils en ont profité pour lancer des plans d'actions gratuites à destination de leurs salariés mais aussi de leurs dirigeants. Un amendement anti-Ghosn en quelque sorte dont la rémunération de 7,2 millions d'euros en 2015 chez Renault était constituée à 60 % de ces actions et dont même Emmanuel Macron s'était ému. «Sur le seul quatrième trimestre 2015, 1,4 milliard d'euros d'actions gratuites ont été distribuées dans les entreprises du CAC 40, relève le député socialiste Romain Colas à l'origine de l'amendement. Je ne suis pas sûr que les grandes entreprises aient besoin de cette niche fiscale pour rémunérer leurs dirigeants.»
Pour contrer cette initiative parlementaire et ne pas prêter le flanc aux accusations d’instabilité fiscale, le gouvernement avait déposé son propre amendement, moins sévère. Rejeté. Le texte défendu par la rapporteure du budget, Valérie Rabault (PS), revient sur la possibilité de déclarer ce gain dans la catégorie des plus-values mobilières, plus avantageuse que les salaires. Il maintient en revanche les avantages pour les PME qui ne versent pas de dividendes, épargnant les start-up dont les dirigeants ne peuvent se verser de salaire.
Ce revirement a provoqué un tollé au sein du patronat et réveillé les «pigeons» des start-up qui avaient fait reculer la gauche au début du quinquennat. «Le cadre fiscal sur les actions gratuites a changé presque chaque année depuis 2011, déplore l'Afep, qui représente les grands groupes. C'est un signal extrêmement négatif pour notre attractivité.» Pour Jean-David Chamboredon, l'ancien leader des «pigeons» remonté au front, «ce sont clairement les boîtes cotées qui ont mis le bazar dans cette histoire». Il n'en dénonce pas moins un «coup de poignard» doublé d'un mauvais signal envoyé aux poids lourds de la French Tech comme Criteo ou Blablacar, peu nombreuses mais qui vont se retrouver soumises «à plus de taxation. Ça donne l'idée qu'elles sont punies d'avoir trop grossi». Car au-delà de 250 salariés, l'avantage fiscal dont disposent ces entreprises de croissance disparaît. «La situation politique est si peu lisible, la majorité tellement peu homogène que la rapporteure du Budget, Valérie Rabault, a dû trouver une solution, conclut-il. Je ne lui reproche pas, mais je trouve ça malheureux.» Sous la pression qui s'accentue, le texte sera-t-il à nouveau retricoté ? Une nouvelle épine en perspective avec les entreprises.