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Libération
EDITORIAL

Pari

publié le 23 octobre 2016 à 20h21

Il y a un an quasiment jour pour jour, Libération publiait l'appel de 800 cinéastes, écrivains, philosophes, chercheurs, intellectuels pour demander au gouvernement un large plan d'urgence pour «sortir la jungle de Calais de l'indignité dans laquelle elle se trouve». Il aura donc fallu un an pour enfin voir se mettre en place des moyens destinés à trouver une solution pérenne à ce bidonville en constante expansion. Jusqu'à présent, le gouvernement assurait que toute mise en œuvre d'un plan à long terme d'accueil pour migrants ne ferait que créer un appel d'air pour d'autres réfugiés. Il aura fallu un an pour changer de logiciel. Enfin. Pourtant, c'est la crainte inverse qui fait jour, un sentiment de précipitation qui remplace un constat d'indifférence : pourquoi concentrer sur trois jours un démantèlement qui aurait pu s'étaler dans le temps ? Les écueils de ce timing serré sont nombreux : mobilisation des No Border, attitude de réfugiés en manque d'informations sur la procédure et toujours résolus à passer au Royaume-Uni pour certains, risque de violences autour des centres d'accueil… D'autant que cette opération, à hauts risques comme beaucoup le prédisent, se jouera sous l'œil des caméras et des journalistes du monde entier. Un côté Loft dont on ne sait s'il permettra de garantir une forme de transparence, surtout en cas de débordements, ou s'il servira la com d'un gouvernement décidé à montrer qu'il agit. Ce démantèlement relève d'un pari à inconnues multiples même en cas de succès. Parce que s'occuper de Calais, c'est s'attaquer à l'aval du problème avant l'amont, les dispositifs de premier accueil en France n'étant toujours pas à la hauteur des enjeux. C'est pourtant une des conditions nécessaires pour éviter la reconstitution de camps sauvages. A Calais ou ailleurs.