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Libération
Manifestations «sauvages»

Rodolphe Schwartz, «faux porte-parole» du mouvement des policiers en colère

L'homme qui ces derniers jours s'est imposé comme un meneur de la fronde des policiers ne fait pas partie de la maison. Et c'est loin d'être la première fois qu'il enjoint les policiers à battre le pavé.
Rodolphe Schwartz en train de discuter avec un responsable de la police pour faire passer un message à Bernard Cazeneuve, jeudi, place de la République à Paris. (Photo Simon Guillemin. Hans Lucas)
publié le 23 octobre 2016 à 16h52

Depuis plus d'une semaine, son visage apparaît de façon récurrente dans les médias. Rodolphe Schwartz, 30 ans, est devenu une figure incontournable des manifestations nocturnes de policiers qui ont commencé à Paris puis qui se sont propagées en province après l'attaque au cocktail Molotov de plusieurs de leurs collègues à Viry-Châtillon (Essonne) au début du mois. Dans les cortèges, l'homme porte l'étendard du ras-le-bol, n'hésite pas à réclamer la tête de Jean-Marc Falcone, le directeur général de la police, et se serait même entretenu avec un membre du ministère de l'Intérieur en vue d'un rendez-vous avec le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, pour lui faire part de ses griefs.

Jeudi soir, il s'est avancé face à une ribambelle de micros, visage découvert au milieu des cagoules et des masques, un drapeau français sur l'épaule. Avec véhémence, il a indiqué aux journalistes : «Y en a marre, on ne veut plus discuter, on ne veut plus des syndicats, on ne veut plus des politiques, maintenant, ils vont la fermer et ils vont nous écouter.» Sa déclaration s'est terminée sous les hourras des manifestants, scandant des «assassins» pour désigner les agresseurs des policiers de Viry. Impossible de se douter que cet homme en colère n'est pas de «la maison». Pourtant, comme l'a révélé le Point, Rodolphe Schwartz, ancien adjoint de sécurité (ADS) au commissariat du XIXarrondissement de Paris, a quitté ses fonctions en novembre 2012 après avoir échoué plusieurs fois au concours de gardien de la paix. Il s'est alors reconverti dans le secteur privé et serait aujourd'hui employé en tant qu'agent de sécurité.

Expérience en manifestations «sauvages»

Il a également figuré en 37position d'une liste FN menée par Philippe Martel (alors chef de cabinet de Marine Le Pen) lors des municipales de 2014 dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Pour autant, celui que les médias nomment désormais «le faux porte-parole» se défend de tout opportunisme ou récupération politique du mouvement. Dans les colonnes du Parisien, il précise : «Je m'intéresse toujours au sort de mes ex-collègues, et à ce titre je suis membre d'un groupe de discussion dédié sur l'application WhatsApp. J'y ai vu le premier appel à manifester à Evry, et je m'y suis rendu comme observateur.» Quant à l'émissaire de Beauvau qu'il a rencontré, il s'agirait de son ancien chef au commissariat du XIX: «Il m'a reconnu, m'a demandé de mes nouvelles, et la discussion s'est engagée sous l'œil des caméras. Je n'ai jamais prétendu être porte-parole.» Il conteste également toute accointance politique avec le FN, dont il «n'a jamais été membre». «C'est à mon insu», explique-t-il au sujet de la liste électorale. «En revanche, je revendique des idées de droite, proches d'un Laurent Wauquiez par exemple», conclut-il

Cependant, à y regarder de plus près, ce n'est pas la première fois que le leader autoproclamé de la fronde prend les devants médiatiques. En matière de manifestations «sauvages», il semble même jouir d'une certaine expérience. Un article de Marianne daté du 26 février 2013 le présente comme l'initiateur d'une marche «blanche» après la mort de deux policiers fauchés par un chauffard sur le périphérique parisien. Selon l'hebdomadaire, l'homme qui vient de quitter la police revendique sa «parole libre» pour mener le rassemblement. Quelques mois plus tôt, entre les deux tours de l'élection présidentielle, il avait déjà organisé une manifestation au même endroit, Porte Maillot, après la mise en examen d'un fonctionnaire de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis) auteur de coups de feu mortel sur un délinquant recherché pour vols à main armée.

Et il recommencera en 2015, en déposant une déclaration de manifestation au nom de l'Association de défense des forces de l'ordre, fondée en mars 2013, comme le raconte le Point. Il est alors question de dénoncer le «laxisme» des juges après une décision de justice requalifiant l'homicide involontaire des deux policiers de la BAC de nuit sur le périphérique en violences volontaires. Aucune organisation syndicale n'aurait à cette époque rejoint le mouvement. Quant à d'éventuels liens avec le FN, l'intéressé en parlait de façon plus explicite en 2013, confiant ainsi à Marianne : «Je n'appartiens à aucun parti, mais nous, les policiers de terrain, on est plus extrême droite. Quand on écoute Marine Le Pen, on se dit qu'elle a raison sur la sécurité. Il faut durcir les lois.»