Le petit pot d'accueil a été installé dans la grande salle du rez-de-chaussée. Quelques gâteaux, du cola, des sourires timides autour de la table. Ce mardi après-midi, dans le centre d'accueil et d'orientation (CAO) «Vento Mai», l'heure est encore aux présentations et aux prises de marques. Le matin même, une trentaine de réfugiés venus de Calais, la plupart pakistanais et afghans, sont arrivés dans ces locaux du XIIIe arrondissement de Marseille, où ils passeront quelques mois, le temps de se retourner. «Ils sortent de douze heures de route, ils sont surtout excessivement fatigués, pointe un travailleur social de l'association Sara, chargée de la gestion du CAO. Mais la plupart étaient malgré tout très souriants.»
Après les premières formalités administratives, les visites médicales, débutées dans l'après-midi, ont dû être suspendues le temps de la visite du préfet de région, Stéphane Bouillon, venu rencontrer les nouveaux arrivants. «L'objectif était que Calais soit vidé et que les habitants de la "jungle" soient mis à l'abri, explique-t-il. C'est avant tout une démarche humanitaire.»
90 personnes déjà arrivées dans le Sud
Pour cet accueil officiel, le préfet avait convié les élus de l'arrondissement, géré par le FN Stéphane Ravier depuis les dernières municipales. C'est Dany Lamy, adjoint délégué à la sécurité, qui représentait pour l'occasion le maire de secteur. Sans vraiment cacher son manque d'enthousiasme. «On ne peut que prendre acte de leur présence, puisqu'on n'a pas été concertés», lâche-t-il. Pour éviter les débordements et autres manifestations d'hostilités, la préfecture avait préféré taire l'adresse exacte du CAO. Elle a gardé le secret, même auprès des élus. «En même temps, ce serait dangereux de manifester ici, raille Dany Lamy. Vous avez vu la cité à côté ? On ne fait que rajouter de la misère à la misère ! Et puis, il aurait fallu faire un tri en amont entre les réfugiés politiques, comme les chrétiens d'Orient, et les réfugiés économiques. On ne peut pas accueillir tout le monde !»
A l'autre bout de la pièce, Farhad est à mille lieues de ces polémiques. Le Pakistanais de 30 ans, qui sort de quatre mois de «jungle», veut surtout prendre le temps de se poser pour «réfléchir à son avenir». Jusqu'au dernier moment il a tenté de passer au Royaume-Uni avant d'accepter de monter dans le bus vers Marseille. «Je ne sais pas encore si je vais faire ma demande d'asile en France, confie-t-il. J'ai besoin de savoir d'abord si mon futur peut se faire ici, si on va m'aider.» Comme lui, 90 personnes sont déjà arrivées dans le Sud depuis le démarrage du démantèlement de la «jungle». A la fin de la semaine, près de 500 personnes devraient avoir rejoint l'un des 19 CAO répartis en région Paca pour les accueillir.