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Libération
Analyse

Hollande, fardeau à plus d’un titre

Après une année 2016 ayant dérouté la majorité, le livre de confidences a accru la confusion à deux mois de la primaire. Certains évoquent à haute voix une autre candidature.
François Hollande devant Manuel Valls, le 15 juin, au ministère de l’Intérieur. (Photo Marc Chaumeil)
publié le 25 octobre 2016 à 19h51

En politique, il faut toujours se méfier des analyses définitives. Ce qui hier était mort peut demain se retrouver vivant. Ce qui semblait perdu peut redevenir gagnable. Il en va des hommes comme des idées. Pourtant, on a rarement vu une majorité au pouvoir dans un tel état. Un mélange étrange de fébrilité, d'inquiétude, de colère et surtout… d'absolue confusion. Une famille politique, c'est, a priori, au moins deux choses : un chef et un ADN idéologique. Après les quatre années du quinquennat Hollande, le Parti socialiste semble ne plus vouloir du premier et recherche le second. Il y a encore quelques jours, François Hollande restait pourtant son candidat naturel. Son barycentre. Certes, plus de 80 % des Français ne voulaient plus qu'il se représente, mais il était le plus à même de pouvoir rassembler sinon la gauche dans son ensemble, au moins le PS. Surtout, et peut-être d'abord, il était le président sortant. Et un président sortant, sous la Ve République, se représente, sauf empêchement.

Inaudible. Aujourd'hui, et après la publication du livre confidence Un président ne devrait pas dire ça… même cette candidature qui tient d'abord du ressort institutionnel ne semble plus s'imposer. Dans la majorité, au sein même du gouvernement, on ose spéculer à haute voix sur l'avenir de François Hollande. Les conversations sont passées du «est-ce qu'il va se représenter ?» à «faut-il qu'il se représente ?» Comme si, aux yeux de certains ministres, le principal obstacle de la valorisation du quinquennat de Hollande, ce n'était pas son bilan, mais la personnalité même du chef de l'Etat et une parole présidentielle devenue inaudible. Hier, des conseillers, des ministres, pouvaient pester contre Hollande, critiquer certains de ses choix, mais il y avait toujours un profond et sincère respect. Aujourd'hui souffle un vent mauvais de «ça suffit maintenant». «On se dit tous "on ne mérite pas ça"», se lamente un ministre pourtant légitimiste. Alors, dans cette atmosphère de fin de règne, la gauche de gouvernement court comme un poulet sans tête : dans tous les sens. Cherchant une candidature de substitution à François Hollande. La roue tourne : un jour, c'est Manuel Valls, un autre Ségolène Royal, un autre encore Christiane Taubira…

Triple enchaînement. Les derniers fidèles hollandais ont raison de tenter de remettre à sa place ce livre de confidences. «Ce n'est pas quelques phrases sorties de leur contexte qui peuvent remettre en cause le bilan», confie un proche. Peut-être. Mais ce livre, c'est la goutte de trop. Celle qui a fait déborder le vase du quinquennat. L'année 2016 a été probablement fatale à la possibilité de rassembler la gauche. Le triple enchaînement (déchéance de nationalité, loi travail et obsession du burkini) a semé le trouble au cœur même du PS. Le couple Valls-Hollande en est pourtant totalement responsable. A chaque fois, il a été prévenu du risque de dégâts politiques. A chaque fois, il est passé en force. Il a revendiqué le sens de l'intérêt général, mais oublié qu'il avançait sans majorité. La colère s'est propagée. Violente à la gauche de la gauche. Sourde dans la majorité. Le noyau du PS a donc été englouti dans un trou noir, débordé à sa gauche par Jean-Luc Mélenchon et à sa droite par Emmanuel Macron. Ces deux-là étant les seuls aujourd'hui à être dans une dynamique. Alors quand le week-end dernier, le Premier ministre en appelle depuis Tours au «rassemblement de la gauche», il n'est pas très étonnant que Benoît Hamon et Arnaud Montebourg le renvoient dans ses cordes. Et à ses responsabilités.

Il reste un mois et demi avant la clôture des candidatures à la primaire de la gauche. Tant que François Hollande n’aura pas décidé de son avenir, le paysage restera illisible. Un brouillard qui risque d’alimenter un peu plus défiance, petits calculs et grandes manœuvres. Dans ce contexte, certains sont tentés, en toute bonne foi, de décréter l’année zéro de la gauche. Mais ce serait impropre. Après une année zéro, on est normalement en mesure de reconstruire. Or la gauche n’en est pas encore là. Il lui faut d’abord solder le quinquennat Hollande.