Près d'un Français sur deux serait en surpoids selon une étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire. Marie Zins, médecin épidémiologiste et une des responsables du rapport, en fait l'analyse pour Libération.
Pourquoi avoir réalisé cette étude?
La Cohorte Constances est un projet de plusieurs chercheurs qui souhaitent étudier les données de 200 000 personnes volontaires sur le long terme. Pour cette étude sur l'obésité nous avons analysé les données de 29 000 personnes, entre 30 et 69 ans, en 2013. La différence avec les travaux réalisés précédemment c'est que ces données ont été récoltées dans des centres d'examen de santé de l'Assurance Maladie (partenaire de Constances avec l'Inserm, ndlr) et ne sont pas des informations déclaratives. On en est donc sûrs à 100%.
Que faut-il retenir de ces travaux ?
Le surpoids et l'obésité concernent une grosse tranche de la population [près d'une personne sur deux, ndlr] et représentent un vrai facteur de risque, notamment de maladies cardio-vasculaires ou de diabète. Mais en soi, ces chiffres sont loin d'avoir explosé depuis les dernières études. La forte augmentation connue entre 1997 et 2012 ne continue pas. S'il y a une explosion mondiale du taux d'obésité, en France ce ne semble plus être le cas. Cette étude n'est pas inquiétante au niveau de l'évolution du nombre de personnes en surpoids, mais elle l'est sur d'autres points, notamment sur les inégalités sociales et l'évolution de l'obésité en fonction du revenu d'un foyer.
C’est-à-dire ?
Il y a des prévalences de l'obésité en fonction de l'échelle sociale. Plus quelqu'un est bas dans cette échelle, plus il a de chance d'être obèse. Ce n'est pas une séparation aussi brute que : les pauvres sont en surpoids mais pas les riches. Il y a un gradient social. Le risque d'être obèse augmente quand on baisse dans l'échelle sociale. Même les campagnes de prévention s'adressent aux personnes plus aisées : il faut «faire du sport», «manger sain». Des méthodes qui coûtent cher et prennent du temps pour les personnes en difficulté financière.
?Y a-t-il des solutions ?
Je n'ai pas de solutions. Avec cette étude, nous apportons des résultats, il faudra ensuite prendre des mesures pour ce problème de santé publique. Et encore, nous ne nous sommes pas penchés sur le surpoids chez les jeunes, mais ce sont ceux qui sont le plus susceptibles de connaître des difficultés de santé.
Avez-vous tiré d’autres constats de votre étude ?
Oui. Nous avons diversifié les indicateurs en ajoutant à l'IMC [indice de masse corporelle, le rapport taille/poids ndlr], l'obésité abdominale [constatée au tour de taille, ndlr] qui est un critère significatif du risque de maladies cardio vasculaires. Nous avons également vu une différence du taux de prévalence d'obésité entre le Nord (25,6%) et des zones du Sud comme les Pyrénées atlantiques (13,3%). Nous n'avons pas de réponse à ces chiffres. Il pourrait s'agir du type d'alimentation, du rythme de vie. Nous n'avons pas de réponse non plus pour la différence du taux de surpoids et d'obésité entre les hommes (56,8%) et les femmes (40,9%). Nous avons des hypothèses sociétales sur les normes physiques appliquées aux femmes.
Quels sont vos projets d’étude sur l’obésité ?
Pour confirmer les tendances évoquées dans l’étude, nous allons effectuer d’autres travaux sur le sujet, avec davantage de données. Nous allons aussi suivre les données des volontaires, cinq ans après la première récolte d’informations, voir si certains n’ont pas contracté des maladies cardio-vasculaires depuis, par exemple.