Bus de la RATP incendié à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), guet-apens tendu à des pompiers et à la police dans la cité du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie (Yvelines), deux policiers grièvement brûlés après avoir été piégés dans leur voiture à Viry-Châtillon (Essonne), attaque au cocktail Molotov contre un lycée à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) et agression de sa proviseure, instituteur frappé devant ses élèves à Argenteuil (Val-d’Oise). Dans un espace-temps très court, plusieurs faits graves ont remis la banlieue à la une des médias.
Ecole et pompiers. Une série d'événements perçus comme autant d'actes de défiance à l'égard de la police chargée du maintien de l'ordre public, mais aussi de tout ce qui représente de près ou de loin l'Etat ou le service public : l'école qui éduque, les pompiers qui assurent les secours, la RATP qui permet la mobilité.
Onze ans pile après les émeutes urbaines de l'automne 2005, cette accumulation de violences interroge sur un possible regain de tension dans les banlieues. «La somme des incidents est troublante, admet Olivier Klein, le maire PS de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Pour autant, rien ne permet de raccrocher tous ces faits les uns aux autres et d'en déduire qu'il y a un risque de nouveaux troubles» dans les quartiers. «Je n'observe rien qui va dans ce sens, même s'il faut rester très attentif et à l'écoute», poursuit l'édile de la commune d'où sont parties les révoltes le soir même de la mort de Zyed et Bouna - le 27 octobre 2005 -, électrocutés dans l'enceinte d'un poste EDF dans lequel ils s'étaient réfugiés pour échapper à un contrôle de police.
Dans la ville voisine de Montfermeil, le maire Xavier Lemoine (Parti chrétien démocrate, associé à LR) se veut «prudent». «Je regarde et je fais très attention. Il y a des actes plus violents qu'auparavant dans les banlieues. Mais je crois qu'il y a aussi une plus grande attention des médias à ce type d'événements», relativise l'élu. Selon lui, la politique de rénovation urbaine a engendré une «certaine tension» dans les quartiers. «Les démolitions de tours et de barres, la reconstruction de petits immeubles, la politique de désenclavement des cités, sont contestés par certains : ceux qui se livrent aux trafics n'ont pas intérêt au retour des institutions au travers du renouvellement urbain, sinon ils perdent la mainmise sur le quartier. Et s'ils perdent la main, ils perdent le business.» Mais quand on lui demande si les violences qui ont défrayé la chronique ces dernières semaines annoncent une nouvelle crise des banlieues, il répond fermement : «Mais je n'en sais rien !»
Membre fondateur et ancien porte-parole d'AC le Feu (Association Collectif Liberté, Egalité, Fraternité, Ensemble, Unis), organisation née après les émeutes de 2005 pour établir le dialogue entre les habitants des quartiers et les institutions, Samir Mihi qualifie de «concours de circonstance» l'addition de faits survenus à Viry-Châtillon, La Courneuve ou Tremblay-en-France. «Ce sont des actes qui n'ont rien à voir les uns avec les autres. Depuis quarante ans, c'est comme ça.» Impossible de conclure selon lui que ces actes témoignent d'une montée des tensions.
«Besoin de confiance». Dans les quartiers «il y a à la fois de la radicalité, de la rage dans certains comportements, et des formes de résignation et d'indifférence», analyse Stéphane Troussel, président (PS) du conseil département de Seine-Saint-Denis. «On retrouve cela dans les taux d'abstention record lors des élections.» Mais l'erreur «serait de ne pas entendre ce besoin de reconnaissance, de confiance que le pays doit envoyer aux habitants et aux jeunes des quartiers populaires. La vitalité démographique, la créativité, se trouve là».