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Libération
Reportage

Banlieues : à la Villette, Hollande en opération séduction

Accueilli par les critiques des représentants de 860 quartiers de la politique de la Ville, jeudi à Paris, le Président est parvenu à retourner la salle, en prononçant des mots que son auditoire attendait depuis le début du quinquennat.
François Hollande, lors du Forum national des conseils citoyens, à Paris, jeudi. (Photo Marc Chaumeil)
publié le 27 octobre 2016 à 20h19

Jeudi, à la Cité des sciences et de l'industrie de Paris, François Hollande a fait des mamours aux banlieusards, devant les représentants des 860 Conseils citoyens – dispositif (méconnu) crée par le gouvernement pour permettre aux habitants des quartiers populaires de peser sur les décisions locales. Le chef de l'Etat a déroulé un joli discours, avec des références aux devises républicaines (tout le monde est pareil) et même à la Révolution française. Et avec de gros chiffres : il a ainsi annoncé que la dotation du Programme national de renouvellement urbain (PNRU) passe de 5 à 6 milliards pour la période 2014-2024. «Pourquoi ce serait beau dans les anciens centres-villes et pas beau dans les quartiers ?» .Tout cela est évidemment à resituer dans un contexte - élections, sondages catastrophiques, séduction, etc., etc - et dans un souvenir : 11 ans plus tôt jour pour jour, Zyed et Bouna, deux ados de Clichy-sous-Bois poursuivis par la police, mouraient éléctrocutés dans un transformateur, ce qui avait marqué le début de la plus grosse crise de l'histoire de la banlieue.

A dire vrai, la partie n'était pas simple pour François Hollande, car en banlieue, il a déçu aussi. Sa prise de parole fut précédée d'un brouahaha : une frange de la salle voulait l'interpeller pour lui dire un petit mot. Ne pouvant attendre, un bonhomme d'une quarantaine d'années a pris un raccourci : alors que le président de la République s'apprêtait à commencer son intervention, il a débarqué sur scène, avant d'être calmé par Hélène Geoffroy (la secrétaire d'Etat à la Politique de la ville). De loin, on a simplement entendu un «on s'en prend plein la gueule dans les quartiers populaires». Quelques minutes avant, les rapporteurs des Conseils citoyens, venus de toute la France, avaient déroulé griefs, demandes et constats, en présence entre autres de François Lamy et Patrick Kanner (l'ancien et l'actuel ministres de la Ville), et pendant une grosse demi-heure, du chef de l'Etat, arrivé en avance.

Injecter des sous ne suffit pas, les éléments de langage des politiques encore moins

Parmi les réflexions les plus intéressantes, celles qui rappellent que des outils pensés pour faire avancer les choses dans les zones les plus difficiles sont plutôt bien foutus. Sauf qu’il n’y a ni mode d’emploi ni impulsion pour porter les projets. En fait, c’est un peu comme un jour sans fin, avec l’impression que les banlieusards répètent la même chose depuis toujours : injecter des sous ne suffit pas, les éléments de langage des politiques encore moins – c’est toute une littérature de raconter que tout ira bien demain.

A 17h33, le Président est monté sur scène, accompagné de quelques applaudissements. Il a loué la politique de la ville et insisté sur sa philosophie : le bâti ne sert pas à grand-chose si on délaisse l'humain. Il a retourné la salle, avec un tas de punchlines, type «Donner la parole est un risque mais il n'y a rien de pire que le silence», ou mieux, «la République vous appartient, vous pouvez compter sur elle, ne doutez jamais de votre pays, notre pays, la France. Vous êtes la France, vous êtes la République». Tout ce que les habitants des quartiers auraient voulu entendre depuis quatre ans. A la fin de son discours, François Hollande a fait des selfies et décidé de rester papoter avec les gens. Entendu dans les couloirs trois minutes après : «Il est bon quand il est en campagne.»