Après le versant «humanitaire» de l'opération de démantèlement du bidonville de Calais, les autorités viennent d'ouvrir son pendant sécuritaire. Fabienne Buccio, la préfète du Pas-de-Calais, a prévenu : les dernières personnes installées dans la lande, si elles n'acceptent pas de partir vers les Centres d'accueil et d'orientation (CAO), seront «contrôlées» par les forces de police et de gendarmerie.
La suite n'est pas développée officiellement, mais elle est connue. Les migrants pourront alors être envoyés vers les centres de rétention administrative (CRA), ces «prisons» pour sans-papiers. Selon la Cimade, une des associations mandatées pour intervenir dans ces lieux, 90 personnes ont été placées en CRA par la préfecture du Pas-de-Calais depuis le début de la semaine. David Rohi, responsable de la commission éloignement de la Cimade, explique la situation à Libération.
Quatre jours après le début de l’évacuation de la lande de Calais, que constatez-vous dans les centres de rétention ?
90 personnes ont été placées en rétention depuis le début de la semaine par la préfecture, réparties dans quatre centres : Coquelles (62), Vincennes (94), Le Mesnil-Amelot (77) et Metz (57). Parmi elles, un tiers sont de nationalité albanaise, dont certaines sont ramenées dans leur pays par des charters partant de l’aéroport du Bourget. Une pratique bien connue, mais qu’on dénonce car les Albanais ont tout à fait le droit de revenir avec un passeport biométrique. Il s’agit juste de faire du chiffre, c’est aberrant. On a aussi recensé 25 Soudanais, 7 Erythréens, 4 Syriens, et quelques Iraniens, Egyptiens ou encore Irakiens.
Certain d’entre eux habitaient-ils dans la «jungle» de Calais ?
C'est difficile à dire. En tout cas, on constate depuis mercredi une accélération des arrivées de nationalités sensibles, Soudanais, Syriens, Erythréens… Donc ça a peut-être un lien avec le bidonville [plusieurs associations, sur place, dénoncent la multiplication des interpellations dans la région calaisienne, ndlr]. Certes, il y a eu une évacuation humanitaire de grande ampleur dans le bidonville, mais on constate que tout le monde n'a pas eu le droit à une solution. Les centres de rétention ne peuvent pas servir à terminer l'opération de Calais.
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Que va-t-il advenir de ces personnes ?
Au final, le but n’est pas de les expulser. Ils sont ressortissants de pays vers lesquels la France n’éloigne pas. D’ailleurs, les arrêtés de la préfecture ne visent aucun pays d’expulsion. Le seul but de la rétention, c’est la dispersion. On ne peut pas tolérer un tel détournement de la procédure.
Cette pratique peut-elle s’accentuer ?
C’est un risque, dans le Calaisis mais aussi autour des campements de Grande-Synthe (Nord) ou de Stalingrad-Jaurès à Paris. On redoute que des gens soient interpellés là-bas. Il ne faut pas que les autorités tentent de régler les situations par la coercition.