A la fin des déjeuners de famille, c'est le moment où tout le monde laisse tomber sa cuillère dans son millefeuille dominical : oui, les journalistes politiques paient leurs billets d'avion et leurs chambres d'hôtel lorsqu'ils couvrent un voyage officiel du Président ou du Premier ministre à l'étranger. Non, à Libé nous ne voyageons pas aux frais de la princesse (l'Etat) et donc des impôts des Français. Enfin… autant que faire se peut. La polémique entourant la récente tournée africaine de Manuel Valls, qui a embarqué l'éditorialiste Nicolas Domenach (Challenges et C8) en tant qu'«invité personnel» du Togo à la Côte-d'Ivoire, appelle quelques précisions supplémentaires sur la manière dont nous gérons cette question à Libération. En voulant défendre Domenach, Matignon a mis ce mercredi tous les journalistes dans le même sac, affirmant que des représentants «de tous les médias confondus effectuent régulièrement» des trajets dans l'A330 présidentiel et les Falcon gouvernementaux sans payer. Ce qui ne reflète pas la réalité de notre quotidien. Il existe plusieurs cas de figure. S'il y a de nombreuses liaisons commerciales avec les pays visités ou si le voyage est relativement simple d'un point de vue logistique, les rédactions se chargent de tout réserver, en suivant cependant les suggestions d'horaires et de logement de l'Elysée ou de Matignon pour des raisons pratiques évidentes. En revanche, si la destination est lointaine ou si le voyage comprend de nombreuses étapes en peu de temps, les services d'organisation de l'exécutif s'occupent du transport et de l'hébergement de la délégation presse. Mais tout - absolument tout - est refacturé ensuite à leurs organes de presse. Entre deux arrêts, il nous arrive de monter à bord de l'A330 présidentiel pour pouvoir assister à un «off» - une discussion informelle - de Manuel Valls ou de François Hollande. Mais là aussi, l'addition parvient jusqu'à nos services de comptabilité.
Evidemment, les exceptions existent. Opérés par l’armée et très rares, les vols en hélicoptère ne sont par exemple quasiment jamais facturés aux journalistes. C’est encore plus compliqué avec les vols à bord de l’un des Falcon de la flotte gouvernementale, dont on reçoit parfois la note, parfois pas. Le temps d’un trajet, on peut rencontrer un membre du gouvernement plus facilement que s’il avait fallu se frayer une place dans son agenda parisien surbooké. L’avion devient une continuation du bureau ministériel. Ce qui n’a pas grand-chose à voir avec quatre jours tout frais payés, vol et hôtel, en Afrique.