Qu'on l'entende bien : la «laïcité» de Manuel Valls «ne s'adapte pas en fonction de l'auditoire, elle n'est pas à géométrie variable». Elle ne s'est pas «adoucie» parce que, il y a deux semaines dans sa ville d'Evry (Essonne), le Premier ministre a répété que la laïcité «n'est pas dirigée» contre les musulmans mais est là pour «les protéger». «Adouci», le chef du gouvernement reconnu dans son camp pour son intransigeance sur la laïcité ? «Dès qu'on parle de moi avec douceur, je prends», a plaisanté le chef du gouvernement avant de confier son «désarroi» sur les commentaires qui ont suivi son intervention en Essonne. «Ma laïcité, c'est la même», a rappelé Valls mercredi soir sous les lustres de l'hôtel de Ville de Paris, invité à conclure, comme l'an passé, la remise des prix du Comité Laïcité République.
«Place des femmes»
C'est vrai qu'avant son intervention à Evry mi-octobre, Valls avait déjà loué la place des musulmans et de l'islam dans la République. C'était fin août lors de la rentrée du gouvernement à Colomiers (Haute-Garonne) : «Nous devons protéger les musulmans de France et les aider à bâtir cet islam français […] leur place est ici parce qu'ils sont une part de notre identité», avait-il lancé. Mais la phrase retenue ce jour-là avait été celle sur «la place des femmes» et – forcément – avait fait polémique en plein débat sur l'interdiction du burkini sur une poignée de plages françaises : «Nous ne pouvons pas transiger, s'était exclamé Valls sous les applaudissements. Marianne elle a le sein nu parce qu'elle nourrit le peuple, elle n'est pas voilée parce qu'elle est libre ! C'est ça la République !»
Mercredi soir, le ton était plus mesuré. Mais pas moins ferme sur les «principes». Pour Valls, laisser dire qu'il serait «moins arc-bouté sur la laïcité», «ce serait laisser croire que la laïcité est […] un acharnement identitaire contre une religion». Non, répète le Premier ministre, «parce que je respecte [l'islam], je la soumets aux mêmes exigences que les autres religions». «Je veux que l'islam brille au cœur de la République», poursuit-il avant de dénoncer «l'intérêt commun» des «islamistes, des jihadistes» et de «l'extrême droite» à s'attaquer à la laïcité et plaider pour «aider l'islam de France à se débarrasser du poison salafiste».
«Confusion»
S'adressant à son camarade socialiste, le député de l'Essonne Malek Boutih primé cette année par le Comité Laïcité République, le Premier ministre se fait plus tranchant sur la fin de son intervention : «Trop souvent, oui, trop souvent, on a préféré détourner le regard», un «euphémisme pour acheter une certaine paix sociale», dénonce-t-il. Le chef du gouvernement reprend même l'expression «racaille», utilisée par Boutih ces derniers jours, estime alors qu'à force de détourner le regard, la France a connu une «montée en flèche des communautarismes». Il dénonce une nouvelle fois la «confusion entre sionisme et antisémitisme» et l'«ordre religieux, sectaire, totalitaire» imposant, dit-il, aux femmes leur manière de s'habiller. «Il n'y a pas de petits débats. La laïcité a déjà trop souffert des petits débats et des petites négligences», martèle-t-il sans s'avancer sur de nouveaux textes de lois. Ça évitera à son camp de nouvelles disputes sur le sujet avant la présidentielle. En ces temps de tempête au sommet de l'Etat, c'est déjà ça.