Bien sûr, l’exercice est un peu facile : prenez un responsable politique - n’importe lequel - et confrontez ses déclarations récentes à celles qu’il a pu faire dans le passé. Vous trouverez toujours, ici et là, des changements de pieds. Des reniements ? Pas nécessairement. Il serait étrange que les politiques soient les seuls à ne pas avoir le droit de changer d’avis.
Prenons François Bayrou. Voilà qu’après avoir préféré François Hollande à Nicolas Sarkozy en 2012, il se déclare en faveur d’Alain Juppé pour 2017. Bayrou girouette ! s’enflamme furieusement le chœur des partisans de l’ancien chef de l’Etat. Etrange procès. Faudra-t-il traiter ainsi tous les déçus de ce quinquennat ? En cet automne, ils se ramassent à la pelle…
Il se trouve, circonstance aggravante, que cette grotesque offensive vient précisément du candidat qui aura été le plus loin dans l'art du retournement. Car avant de se déchaîner contre les traîtres du Modem - avec qui l'UMP a fait alliance à toutes les élections locales des deux dernières années -, Sarkozy avait rêvé de les associer au vaste rassemblement républicain qui devait porter les espoirs de l'alternance. Son porte-parole officieux, François Baroin, n'avait-il pas célébré en 2014 le retour du seul leader capable de rassembler, «au-delà des frontières de l'UMP et du centre, les déçus du hollandisme» ? Mieux encore : pendant la campagne présidentielle de 2012, le candidat Sarkozy avait laissé entendre qu'il pourrait, en cas de victoire, nommer Bayrou à Matignon. A l'époque, tout pouvait être pardonné. Y compris la motion de censure défendue en 2006 par le député Bayrou contre Villepin, Premier ministre de Chirac. Les sarkozystes font aujourd'hui de cet épisode un crime inexpiable, oubliant au passage que Maurice Leroy, le plus sarkozyste des centristes, avait voté cette censure…
De toutes les girouettes politiques, Sarkozy est la plus capricieuse. Rien ne l'entrave, dès lors qu'il s'agit de prendre le vent du peuple de droite et de mobiliser contre le maire de Bordeaux. Juppé parle à Bayrou ? Il faut diaboliser Bayrou. Juppé veut augmenter la TVA ? Il faut dénoncer cette attaque insupportable contre le pouvoir d'achat des Français. Qu'importe si le même Sarkozy a longtemps compté parmi les défenseurs d'une mesure jugée excellente pour la croissance et l'emploi. En échange de baisse des charges, la hausse de la TVA n'aura «aucun impact sur le pouvoir d'achat», assurait début 2012 son ministre de l'Economie, François Baroin. Cinq ans après, Alain Juppé et François Fillon ne disent pas autre chose. Raison suffisante pour changer d'avis.