Comment estimer les dégats physiques et psychologiques de l'horreur ? Depuis un an, 170 avocats de plusieurs barreaux en France, travaillent ensemble pour proposer une méthode d'estimation du préjudice des victimes d'actes terroristes. Leur travail a débuté par des réunions informelles à la suite des attentats du 13 novembre. Avec l'appui du barreau de Paris, ces avocats publient ce lundi un livre blanc. Leur travail insiste particulièrement sur la prise en compte du «préjudice d'angoisse» des victimes directes et du «préjudice d'attente et d'inquiétude» des proches. Ils publient une échelle détaillée de critères d'évaluation pour garantir «l'individualisation» du préjudice et éviter un traitement forfaitaire.
«Les préjudices subis par les victimes et leurs proches sont innombrables, je pense à celles et ceux qui n'ont même pas demandé une aide psychologique ou au sentiment de culpabilité qui peut ronger les survivants : pourquoi lui et pas moi ?» illustre Dominique Attias, vice-bâtonnière de Paris, qui a encadré ce travail collectif. Pour la présentation du livre blanc, Juliette Méadel, secrétaire d'Etat chargée de l'Aide aux victimes, est présente. En poste depuis février 2016, elle a garanti qu'elle se «battrait» pour le principe d'une «indémnisation intégrale» du préjudice subi : «Toutes les victimes et leurs proches sont fondés à obtenir les réparations des dommages corporels jusqu'au préjudices psychiques de tout ordre. Comment ne pas comprendre qu'une personne qui a vu la mort en face a surement vécu le pire moment de sa vie ?»
Eviter de longues procédures aux clients
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) est au cœur de pratiquement toutes les critiques. Mais en l'absence de son directeur, Julien Rencki, la structure n'est pas représentée à la tribune. Jusqu'à présent, le Fonds de garantie assurait une prise en charge personnalisée des victimes. Mais la multiplication des attentats de masse fait craindre l'application d'un forfait basé uniquement sur des considérations objectives jugées trop imprécises, par les associations et les avocats.«Dans ce cas, la procédure devant un juge serait la seule solution pour bénéficier d'une réelle individualisation», explique Frédéric Bibal, avocat spécialisé dans les dommages corporels. Ce que refuse ce collectif d'avocats, pour éviter de trop longues procédures à leurs clients. Au nom d'une estimation au plus proche du dommage subi, les praticiens proposent une grille de critères plus précis comme «la durée de l'exposition à l'acte terorriste», «la proximité du danger de mort immédiate» ou encore la «peur pour ses proches» également victimes de l'attentat.
Dernière critique en date contre le FGTI, sa décision concernant l'attentat de Nice de considérer comme victimes seulement les personnes qui se trouvaient du côté de la chaussée de la Promenade des Anglais où le camion est passé. «Il y a une nécessité d'humaniser les relations des victimes avec le FGTI», a réagi Juliette Méadel. Dans ce cadre, Emmanuel Domenach, rescapé du Bataclan et vice-président de l'association 13onze15 : Fraternité et Vérité, insiste sur le «rôle de l'avocat pour négocier avec le Fonds, parce que les victimes ne peuvent pas évaluer à froid leur préjudice». En conclusion a été lancé l'idée de proposer l'adoption de ce livre blanc par le prochain conseil d'administration du Fonds de garantie, dans un mois. Pour cela, les avocats en appellent au soutien du gouvernement. Déjà partie, Juliette Méadel, n'a pas pu répondre.