Les 450 salariés d'Alstom de Belfort qui ont failli voir leur usine fermer jusqu'à ce que le gouvernement vole au secours du groupe ferroviaire en lui commandant 15 rames de TGV seront ravis de l'apprendre : leur entreprise a affiché «d'excellents résultats» au premier semestre. Deux mois à peine après avoir annoncé son départ de Belfort «pour ne pas mettre l'ensemble des sites en danger», la direction vante la santé éclatante de l'entreprise. «L'activité commerciale a été très dynamique. […] La performance opérationnelle a été soutenue, […] le cash-flow libre exceptionnellement élevé. […] Ces résultats démontrent le succès de la stratégie d'Alstom», se congratule son PDG, Henri Poupart-Lafarge.
«Chantage». Entre le 1er avril et le 30 septembre, Alstom a ainsi vu son chiffre d'affaires progresser de 8 % à 3,6 milliards d'euros. Le résultat d'exploitation a bondi de 20 %, à 200 millions d'euros, et les bénéfices ont atteint 128 millions d'euros, contre une perte de 57 millions un an auparavant. Début septembre, l'industriel criait pourtant misère en se disant menacé par «une baisse globale des commandes de 30 %» pour justifier la fermeture de l'usine historique du TGV et le déménagement sur le site de Reischoffen. Auditionné le 27 septembre par la commission des affaires économiques de l'Assemblée, le même Henri Poupart-Lafarge avait martelé que «Belfort [n'était] plus viable» : «Qui peut penser une seconde que le patron de l'usine, que moi-même, puissions imaginer ce plan diabolique, que nous soyons d'un cynisme absolu pour faire un tel chantage à la fermeture pour obtenir des commandes auprès de l'Etat ?»
Période électorale. Et voilà que, comme par enchantement, Alstom annonce avoir enregistré pour 6,2 milliards d'euros de nouveaux contrats et affiche un carnet de commandes «record» en hausse de 21 % à 33,6 milliards d'euros (Amtrak aux Etats-Unis, Pendolino en Italie…). Et cela sur une période qui ne prend même pas en compte les 700 millions d'euros de commandes promises par l'Etat et la SNCF pour dissuader le groupe de fermer Belfort. Ni, surtout, le mégacontrat à 3 milliards d'euros pour 300 rames de RER qui ne peut plus échapper au consortium Alstom-Bombardier. La direction a-t-elle sciemment noirci le tableau et profité de la période électorale pour obtenir ces contrats ? La question, déjà posée par les députés, risque de lui revenir comme un boomerang.