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En marche

2017 : pourquoi Macron peut le faire

L’ancien ministre, qui a annoncé mercredi sa candidature à la présidentielle, mise sur un positionnement en dehors du système politique.
Macron à Bobigny (Seine-Saint-Denis), mercredi, lors de l’annonce de sa candidature à la présidentielle. Il ne passera pas par la primaire.  (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 16 novembre 2016 à 20h56

Emmanuel Macron, candidat tout juste déclaré à la présidence de la République, affole le landerneau politico-médiatique. Invité mercredi soir au JT de France 2, relayé ce jeudi par de nombreux quotidiens régionaux, à qui il a accordé un entretien collectif, sujet de toutes les conversations dans le sérail parisien, l’ancien ministre de François Hollande peut-il véritablement bousculer le paysage politique français ? Le pari est audacieux. Irréalisable ? A voir.

C'était un soir de février, dans un restaurant du XVIIIarrondissement parisien, un mois et demi avant le lancement d'En marche. En confidence, un proche d'Emmanuel Macron suggère l'improbable, la volonté du jeune ministre de se présenter à l'élection présidentielle. Cela semble alors impossible : entre un Hollande, critiqué mais pas encore lapidé par les siens, et un Juppé, recours probable des Français républicains contre le FN, il n'y a pas d'espace pour un troisième homme.

Epique

Dans les semaines qui suivent, Macron qui, lui, parie alors sur la victoire de Nicolas Sarkozy à la primaire de la droite, commence pourtant à relever le défi en lançant son mouvement En marche. Là est sans doute la première particularité de celui qui, mercredi, s'est lancé dans la course à l'Elysée : l'ancien assistant du philosophe Paul Ricœur ne croit pas à l'immuabilité des rapports de force. Cette dimension épique, presque romanesque, il la met en scène début mai, à l'occasion d'un hommage à Jeanne d'Arc qui «a fendu le système» et «rassemblé la France», parsemé d'allusions à sa propre trajectoire et à l'objectif qu'il s'est fixé. De quoi ringardiser des adversaires politiques surtout préoccupés de coupes budgétaires… C'est ce récit entamé à Orléans que Macron a poursuivi à Bobigny, mercredi : «Pour mener le combat, la responsabilité du président de la République est immense. Il porte les valeurs de notre pays, la continuité de son histoire, la vigueur et la dignité de la vie publique : j'y suis prêt.»

Le positionnement «antisystème» de Macron est son deuxième atout phare. Révélée il y a déjà plusieurs années par les enquêtes d'opinion, la défiance des citoyens vis-à-vis des partis atteint des sommets. En juin 2015, neuf personnes sur dix disaient déjà en avoir une mauvaise image. En fustigeant, à Bobigny, «les appareils, les logiques politiciennes» et un «système politique qui prend la vie des Français en simple décor de son théâtre d'ombres», et dont il dit avoir «vu de l'intérieur la vacuité», l'ancien ministre sait qu'il a un auditoire. Dans sa bouche, En marche n'est d'ailleurs pas un «parti» (alors qu'il en a la forme juridique), mais un «mouvement ni à droite ni à gauche». Macron espère ainsi capter l'attention de ceux qui sont tentés par l'abstention. Ses conseillers ont d'ailleurs soigneusement décortiqué l'enquête Cevipof-Ipsos publiée le 25 octobre. «Les résultats qui placent Macron à 13-14 % des intentions de vote ne tiennent compte ni des Français qui ont déclaré ne pas être sûrs d'aller voter ni ceux qui refusent de dire pour qui ils vont voter», insiste un proche du candidat. «En d'autres termes, 40 % des personnes interrogées ne sont pas prises en compte. Le réservoir est énorme.» Le paysage politique serait donc moins figé que ne le prétendent les commentateurs.

Elites

Pour Macron, il ne s'agit pas seulement de stratégie électorale. Depuis les mésaventures de sa loi croissance à l'Assemblée nationale, l'ancien ministre est convaincu de l'impossibilité de faire valoir ses idées sur les clivages partisans dans l'actuel cadre institutionnel. «Antisystème» et partisan d'une «révolution démocratique», Macron l'est donc d'abord par pragmatisme : il s'agit pour lui d'avoir raison des «blocages de la société» et plus encore pour «faire entrer la France dans le XXIsiècle», comme il s'en est fixé l'objectif à Bobigny. Ses rebuffades s'arrêtent d'ailleurs au champ politique. Les idées sur la liberté, le travail, l'éducation ou l'Europe, autres thèmes de prédilection de celui qui, comme l'avait fait Bayrou en 2007, appelle au «rassemblement des hommes et des femmes de bonne volonté», lui attirent plutôt la bienveillance des élites et des classes moyennes supérieures.

Avec pour seul soutien les 100 000 adhérents (gratuits) d’En marche, Macron sait que la partie sera difficile. Il joue serré. C’est en stratège qu’il a choisi le jour de l’officialisation de sa candidature. Sortir du bois en l’absence de Hollande, en déplacement au Maroc, limitait la déflagration à gauche. Surtout, en le faisant à la veille du dernier débat de la primaire de la droite, il espère dissuader les électeurs de gauche d’apporter leur soutien à Juppé, son adversaire le plus redoutable à droite.