Libération passe en revue tous les candidats de la primaire de la droite. Carte blanche a été donnée à plusieurs personnalités du monde de la culture (humoriste, chanteur, écrivain…) pour leur tailler le portrait. La consigne ? Pas de consigne. Juste assumer une plume subjective, et donc possiblement décalée, qui revendique un droit à la légèreté et à l’insolence. Sans s’interdire de faire de la politique.
Il faut saluer la belle idée de France Télévisions d'avoir produit en trois épisodes la tant attendue version française des Sept Mercenaires. Il ne s'agit plus de défendre un village mexicain malmené par les pillards mais bien la France libérale et chrétienne, c'est-à-dire la vraie France, menacée de toutes parts par l'islam, des hordes de migrants, les droits sociaux, le laxisme laïc, l'abandon de nos frontières, les bobos assistés, les socialo-gauchistes, le hollandisme et j'en passe, sans compter pour certains les obsolètes droits de l'homme. La bataille allait être rude. Sept contre tous ou presque, il fallait un casting hors pair. Il l'a été. Capable de réunir les fans de John Wayne aussi bien que ceux de Louis de Funès, Nicolas Sarkozy a été choisi pour incarner le chef de la bande. Ses films, Moi et mon juge, le Mari de la chanteuse, le Nettoyeur, ou encore J'ai trop de blé dans ma campagne restent dans la mémoire de chacun.
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Par souci de cohérence, les autres acteurs ont tous peu ou prou été ses partenaires dans ses films. Alain Juppé, l'ancien, portant beau, césar du meilleur d'entre nous dont personne n'a oublié le triomphe qu'il a rencontré en 1995 dans Je suis en forme, je réforme, qui provoqua une véritable émeute dans le public. François Fillon est là aussi. Eternelle seconde gâchette, faire-valoir de Sarkozy, celui qu'on surnommait le Milou de Tintin n'a plus cette fois-ci un rôle de collaborateur. Son personnage est à la hauteur du chef. Le détrônera-t-il ? Choix risqué mais excitant d'avoir proposé Bruno Le Maire pour être baroudeur, habitué aux rôles de gentil agriculteur amenant chaque dimanche sur son tracteur sa famille à la messe. Sous son apparence la Petite Maison dans la prairie, tout le monde devine le loup qui veut entrer dans la bergerie. Exception française oblige, une femme parmi les tueurs, Nathalie Kosciusko-Morizet. Elle y a toute sa place. Souvenez-vous de son rôle de Calamity Jane dans A moi la mairie, où elle posait avec des SDF dans les rues, sans compter sa force de caractère lorsqu'elle refusa de participer au film de Sarkozy Soigne ta droite. Et puis un revenant, Jean-François Copé, injustement abandonné pendant des mois dans sa boulangerie à Meaux. Son arme favorite, le pain au chocolat, capable, bien lancé, de clore le bec à n'importe qui à plus de cinquante mètres.
Guerre
Coup d'audace de la production, le septième mercenaire, Jean-Frédéric Poisson, est un acteur ignoré de tous, à part d'un nombre infime de cinéphiles qui se souviennent l'avoir aperçu dans la Nonne d'acier, où Christine Boutin interprétait une religieuse missionnée par le Vatican pour éradiquer l'homosexualité de la planète. A peine le générique des Sept Mercenaires terminé, on ne voit que lui. Poisson crève l'écran, à l'ancienne. C'est à la fois Jean Gabin, Lino Ventura avec une touche de Mussolini. Sa voix est ferme, ses propos sont graves. Ni bon mot ni petite phrase, il prend le temps de dire qui il va flinguer et pourquoi, tandis que plus loin, NKM sulfate des salafistes tous azimuts. Poisson, lui, tire droit sur l'islam sans trembler, plusieurs fois, au risque de perdre une balle dans un sioniste. Est-ce pour lui déplaire ? C'est un homme, un vrai, il préfère un fasciste honnête (ça existe ?) à un gauchiste déluré. Défenseur de la dignité humaine à la condition que l'amour pour tous n'en fasse pas partie.
Un homme comme il en existait avant Mai 68, début de la décadence de la vraie France. Poisson part en guerre contre cette dérive où s’engouffrent tous ceux qui échappent à la morale de l’association Papa, maman, le petit Jésus et moi, qu’il préside à la suite de Christine Boutin. Maître du suspense pendant tout le film, on se demande s’il va parvenir à trouver Christiane Taubira pour lui faire la peau.
Amuseur biterrois
Dans la bande des sept, c’est lui l’éclaireur, celui qui connaît l’ennemi pour avoir travaillé avec lui. Les syndicats, par exemple, avec qui il parlemente plutôt que de les liquider, comme le préconisent les autres. Le résultat sera le même, il est sûr qu’ils se rallieront à lui.
L’inconnu d’hier est déjà demandé par les plus grands. L’amuseur biterrois Robert Ménard lui propose un duo comique, les clowns du Front national le réclament. Aimé des adultes rigides, il le sera bientôt de leurs enfants puisqu’il vient de proposer qu’une crèche de Noël soit installée dans tous les bâtiments publics, jusque dans les commissariats, sans doute pour que le divin enfant apporte à la police la protection qui lui manque.
S’il lui prenait un jour l’envie de faire de la politique, on sait le destin des comédiens de seconde zone, Reagan l’a parcouru avant lui. Et puis la présidentielle en France n’est-elle pas en avril, mois du poisson ?
(Re)lire l’épisode 4 : François Fillon par Kee-Yoon
Épisode 6, vendredi : Alain Juppé par Mathieu Madénian