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Libération
Éditorial

Cocktail

publié le 17 novembre 2016 à 20h36

Pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris, cette fois, c’est du lourd. Convaincue qu’elle peut gagner cette élection, la droite ne veut plus se perdre en compromis, hésitations ou promesses à demi-tenues. Après quinze ans de prudences chiraquiennes et de palinodies sarkoziennes, après Mitterrand, Jospin et Hollande, elle veut sa revanche, politique, idéologique et culturelle. Ainsi, le cocktail de mesures qu’elle a préparé - et dont plusieurs ont été détaillées jeudi soir - est explosif. Recul de l’Etat, retrait du service public, libéralisation du marché du travail, allégement de la fiscalité sur les plus hauts revenus, contournement des conventions collectives, abattements sur les bénéfices, suspension du regroupement familial pour les étrangers en contravention avec la Convention européenne des droits de l’homme, chasse à l’immigré : c’est à un tournant historique qu’elle destine la France de ce début de siècle. Menée au besoin par ordonnances, irrésistible sur le plan juridique et démocratique, cette politique viendra écorner l’héritage social issu du programme du Conseil national de la Résistance, qui a présidé à tant de progrès et amorti tant de crises. Avec plus de trente ans de retard sur Ronald Reagan et Margaret Thatcher, mais en résonance avec Donald Trump, les principaux concurrents de la droite et du centre ont programmé une révolution conservatrice à la française. Face à cette rupture annoncée, que le FN aiguillonne, les forces de gauche peuvent-elles se payer le luxe de la division ? A mesure que se rapprochera l’échéance, la question deviendra cruciale. A force de laisser libre cours aux ambitions personnelles, de faire des calculs post-électoraux, de crier à la trahison ou à l’irresponsabilité, la gauche jouera en grandeur nature la fable de l’huître et des plaideurs, pour ensuite assister, déchirée, impuissante, amère, à la remise en cause draconienne des droits des travailleurs. Il est temps d’y réfléchir un peu.