Maître Eolas contre l’Institut pour la justice (IPJ), round 2 : ce mercredi, le populaire avocat-blogueur-twitto et l’association qui défend une justice plus sévère se retrouvent devant la cour d’appel de Versailles. En juillet 2015, les deux parties s’étaient opposées devant le tribunal de grande instance de Nanterre. Maître Eolas était poursuivi pour «injure» et «diffamation» après avoir mis en cause une pétition de l’IPJ et écrit des choses un peu sales à son sujet sur son compte Twitter.
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Depuis, il a perdu son procès mais gagné 30 000 followers. Et fait appel du jugement le condamnant à 2 000 euros d'amende avec sursis et 5 000 euros de dommages et intérêts pour l'IPJ. Si vous rattrapez le dossier en cours, voici un petit résumé.
Soupçons
Les faits remontent à novembre 2011. A l'approche de l'élection présidentielle, l'IPJ veut peser dans le débat politique et lance un «pacte 2012 pour la justice», qui prend fait et cause pour les «victimes», dont la justice ne réparerait pas assez le préjudice subi. Enorme succès : 1,5 million de signataires à l'époque, 1,7 million aujourd'hui. C'est un tel carton que ça éveille les soupçons : jamais une pétition n'avait réuni autant de signatures. D'ailleurs, depuis le procès, même une pétition très populaire comme celle contre la loi travail n'a pas dépassé les 1,5 million de signatures.
Se pourrait-il que le compteur de ce pacte, hébergé sur son propre site, souffre de quelque défaut ? C'est ce que pense Maître Eolas qui tweete, le 15 novembre, que le compteur est «bidon». Il est en effet possible de signer avec n'importe quelle adresse mail, même si elle n'existe pas. Donc, potentiellement, à l'infini.
Compteur bidon des signatures de l'IPJ, preuve : voici la courbe du nombre de signatures ce jour entre 18h42 et 19h06 http://t.co/cWzx24KS
— Maitre Eolas (@Maitre_Eolas) November 15, 2011
«Ça se confirme. L'IPJ a un compteur bidon. Manipulation, manipulation», écrit Eolas dans un autre tweet. C'est là que se noue sa condamnation à venir pour «diffamation» : dans son jugement, publié sur le site du chroniqueur judiciaire Julien Mucchielli, le tribunal estime que même si le compteur est peu fiable, Maître Eolas, «en associant les termes "compteur bidon" et "manipulation"», a prêté à l'IPJ une volonté de «mentir sciemment».
Décision embrouillée
En ce qui concerne la condamnation pour «injure», c'est plus compliqué, voire carrément embrouillé. Les propos reprochés à Maître Eolas par l'IPJ sont les suivants : «Je me torcherais bien avec l'Institut pour la justice si je n'avais pas peur de salir mon caca. Une bouse à ignorer. Je le mettrais dans mes chiottes si je n'avais pas peur de les salir.» La première phrase est avérée : le tweet est toujours en ligne.
@Anti_Nanti Que je me torcherais bien avec l'institut pour la Justice si je n'avais pas peur de salir mon caca.
— Maitre Eolas (@Maitre_Eolas) November 9, 2011
L'existence des deux phrases suivantes (à partir de «une bouse…»), en revanche, n'a pas été prouvée par l'IPJ. En conséquence de quoi le tribunal a estimé que la phrase tweetée constituait bien une injure, mais a relaxé partiellement Maître Eolas pour les propos non tenus. Sauf que dans le dispositif (la partie où le tribunal déclare l'accusé coupable ou le relaxe), il n'est fait aucune mention du fait que l'injure a été retenue, le tweet du 9 novembre étant semble-t-il renvoyé à des faits de diffamation.
Bref, ce jugement a l'air assez mal ficelé. «L'appel s'imposait indiscutablement», estime Maître Eolas dans un échange de SMS avec Libération.