A coup sûr, ce n’est pas un progrès. Dans ce vieux pays sceptique et laïque, la religion sous sa forme la plus rigide occupe désormais le devant de la scène. A posteriori, il semble bien que les signes de croix symboliques adressés par François Fillon au catholicisme militant aient été pour beaucoup dans sa résurrection d’entre les sondages. Celui que certains humoristes appellent «l’abbé Fillon» a conjugué avec habileté la douceur angevine et l’opiniâtreté bénédictine pour conquérir les suffrages, soigneusement calé, avec son look de vicaire bien coiffé, à la droite de Dieu. Et que trouve Alain Juppé pour le contrer ? Le parrainage involontaire non du général de Gaulle, mais du pape François. On est rentré de vacances en pleine fièvre burkinisante. On s’approche de la fin de l’année dans une odeur d’encens. Encore un peu et ceux qui croient au ciel imposeront leur loi à ceux qui n’y croient pas, dans une épiphanie calotine qu’on n’a pas connu en France depuis Falloux ou Mac Mahon. Le pape, combien de circonscriptions ? Au communautarisme réel ou supposé des juifs et des musulmans s’oppose maintenant un communautarisme catholique qui n’est pas plus affriolant. Les prudents responsables des trois religions regardent sans doute avec méfiance cette irruption de leur foi en politique. Mais ils ne contrôlent pas les zélotes gesticulants de leur culte qui foulent aux pieds l’esprit de la laïcité en prétendant la défendre. A l’heure où le chômage, la désindustrialisation, la crise financière ou les menaces géopolitiques devraient occuper les esprits, on se déchire sur le voile, les crèches, le porc à la cantine, la famille tradi et sa filiation sacrée qui pointe du doigt les homosexuels. Les convictions religieuses sont respectables quand elles se cantonnent à la sphère privée. En politique, elles sont d’abord promesse de discorde. Comme on le sait, le sabre n’est jamais loin du goupillon.
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