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Procès

Procès flash-ball : «Ces policiers n'ont tout simplement pas respecté la loi»

Dans une atmosphère électrique, le procureur a réclamé des peines allant de dix mois à trois ans de prison avec sursis pour trois policiers accusés d'avoir blessé six manifestants au flash-ball le 8 juillet 2009 à Montreuil (Seine-Saint-Denis).
Au tribunal de Bobigny, le 21 novembre. (Photo Denis Allard. Réa pour Libération)
publié le 24 novembre 2016 à 19h57

La fin de matinée s’était achevée sur l’audition d’une dizaine de témoins. Cités par les parties civiles, des associatifs de Calais, des sans-papiers, des personnes victimes de blessures avaient égrainé une vie déchirée par une mauvaise rencontre avec la police.

Le dur était annoncé pour l'après-midi. Le procès en correctionnelle de trois policiers, poursuivis pour avoir blessé au flash-ball six manifestants le 8 juillet 2009, entrait dans son emballage final avec la plaidoirie d'Irène Terrel, conseil des parties civiles, et le réquisitoire du procureur, Loïc Pageot. A 13h30, une foule compacte se presse aux deux entrées de la salle : l'une, réservée aux prévenus et à leurs collègues. L'autre, investie par les militants du collectif 8 Juillet, et leur slogan «Mais que fait la police ? Ça crève les yeux !»

L'atmosphère est ubuesque. Arrivés les premiers, les trois policiers, Patrice L.G., Mickaël G. et Julien V., ainsi que leurs familles, amis et soutiens occupent les deux tiers des places disponibles. Si l'on ôte les 30 sièges réservés à la presse, les proches des blessés n'ont droit qu'à un carré restreint. Joachim Gatti, dont la balle en caoutchouc de Patrice L.G. a crevé l'œil, se présente alors au filtrage… mais les policiers chargés du service d'ordre le bloquent : «Consignes !»

Evacuation de la salle

Vingt minutes s'écoulent. Les slogans redoublent : «Liberté, liberté, pour les frères Traoré !» [Les frères d'Adama Traoré, décédé lors de son arrestation cet été par les gendarmes, ont en effet été placés mercredi soir en détention provisoire, ndlr]. A l'intérieur de la salle, la poignée de militants ayant réussi à entrer refuse de s'asseoir tant qu'une stricte égalité du nombre de sièges ne sera pas respectée. C'est alors qu'entre en scène Flavien Fouquet, secrétaire général du parquet de Bobigny, au calme de bonze tibétain. Il ordonne l'évacuation de la salle. Et somme un major de police de procéder à un comptage minutieux à chacune des entrées. Le nouveau plan de table est adopté comme suit : 43 soutiens des parties civiles, 43 soutiens des policiers et 30 journalistes un peu hébétés par ce qui se déroule sous leurs yeux. Même le procureur, Loïc Pageot, quitte son promontoire pour veiller.

Finalement, l'audience redémarre. Irène Terrel, qui représente les six manifestants blessés en 2009, entame sa plaidoirie. Elle rappelle d'abord qu'aucun des trois policiers n'était autorisé par sa hiérarchie à utiliser le flash-ball ce soir-là. Que contrairement à ce qu'ils ont tous affirmé lors de leurs auditions, ils n'ont pas essuyé une «pluie de projectiles», mais «tout au plus un jet de canette». Et que, enfin, ils ne pouvaient ignorer les blessures qu'ils avaient provoquées.

Dans son réquisitoire, qui reprendra peu ou prou les mêmes observations, Loïc Pageot s'attache à démontrer «l'illégitimité de la force engagée ce soir-là». Pour cela, il note que «la nécessité», «la proportionnalité», et «la conscience d'un danger immédiat» – conditions pour que la légitime défense soit retenue – «n'étaient pas réunies». Avec intelligence et mesure, il enjoint le président Dominique Pauthe «d'entrer en voie de condamnation, tout simplement parce que ces policiers ont dérogé au cadre réglementaire [tirs de nuit, sans visée, au-dessus de la ligne d'épaule, sur des groupes compacts, ndlr] et n'ont pas respecté la loi».

Pour Mickaël G. et Julien V., Loïc Pageot réclame 10 mois de prison avec sursis, 18 mois d’interdiction professionnelle, et 5 ans sans arme. Pour Patrice L.G., fonctionnaire à la BAC de Montreuil et auteur du tir qui a crevé l’œil de Joachim Gatti, la peine exigée s’élève à 3 ans de prison avec sursis, trois 3 d’interdiction professionnelle et 5 ans sans arme. Ce vendredi, le tribunal entendra la défense des policiers.