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Libération

Procès Fiona : cinq ans de prison pour la mère, vingt pour le beau-père

publié le 25 novembre 2016 à 21h36

«Je n'ai rien à ajouter», déclare Cécile Bourgeon, visage figé et sans émotion. A son tour, Berkane Makhlouf s'approche du micro et dit calmement : «Fiona, elle, sait que je ne l'ai pas frappée. Je tiens à m'excuser envers tous les gens à qui j'ai pu mentir, que j'ai pu trahir. J'ai confiance en la justice.» Il est 15h30 lorsque la cour se retire pour répondre aux seize questions qui lui sont posées. A son retour, vers 21 heures, elle rend son verdict: cinq ans de réclusion criminelle pour la mère, vingt pour le beau-père.

Contrairement aux réquisitions de l'avocat général, les jurés n'ont donc pas retenu la co-action. Vendredi matin, ils avaient été unis dans le scénario de l'enlèvement au parc, unis dans les déclarations mensongères à la télévision, unis dans l'expédition pour ensevelir le corps de la fillette décédée. Lors d'un monologue alternant entre murmures et hurlements, Raphaël Sanesi de Gentile revient sur le calvaire qu'aurait subi l'enfant de 5 ans «quand la drogue devient plus forte que la maternité». Il raconte les derniers jours de Fiona, «la petite fille comme les autres, qui allait bien»  et qui, selon lui, est devenue «une balle de flipper», «un objet dont il fallait se débarrasser». Avant de résumer : «Peu importe si l'un a mis trois coups et le deuxième un seul coup, ils ne font plus qu'un. Le résultat global de l'ensemble de cette dynamique de violence constitue la coaction.»

La thèse accidentelle - une absorption de stupéfiants - soutenue par la mère et le beau-père est balayée par l'avocat général au profit de celle des coups mortels. En l'absence de corps et de preuves matérielles, Raphaël Sanesi de Gentile se raccroche - souvent de façon confuse - aux «éléments de comportement» et aux «témoignages» d'un dossier qu'il admet «difficile». Ce qui ne l'empêche pas de requérir la peine maximale pour ceux qu'il qualifie de «couple infernal» ou d' «instruments de la torture» : trente ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté de vingt ans et un suivi sociojudiciaire de vingt ans. «Je ne suis pas le magistrat de la rue», a-t-il pourtant prévenu avant de procéder à ces réquisitions extrêmement sévères. Les accusés restent imperturbables.

Après la suspension, Me Renaud Portejoie, avocat de Cécile Bourgeon, se lève : «Je suis effrayé par ce que j'ai entendu dans la bouche de l'avocat général, par ces contrevérités.» D'une voix claire, il lit aux jurés certains messages circulant sur Internet, des appels «à la guillotine» ou «à la torture». Il rappelle le comportement bruyant du public qui a ponctué les débats. Exhortant la cour à laisser l'émotion aux portes du palais de justice, il s'empare du fond du dossier pour démonter les «fantasmes». D'abord, celui de «l'enfant martyrisé» : «Est-ce qu'un seul des témoins que nous avons entendus a décrit des coups avant la date des faits ?» souligne-t-il, insistant pour que l'on juge des «parents défaillants» mais nullement une «lente agonie de la fillette». Le mensonge ensuite. «Ce n'est pas un acte criminel calculé», déclare-t-il au sujet de la mascarade imaginée par les accusés pour faire croire à l'enlèvement.

Me Gilles-Jean Portejoie prend la relève : «Pour la condamner, il faut un certain nombre de certitudes. Est-ce que vous avez la certitude que Cécile Bourgeon a frappé Fiona ? Même le père a dit qu'il ne l'avait jamais vue frapper sa fille.» Quant à Berkane Makhlouf, il n'a évoqué que «deux coups aux fesses et deux claques». L'avocat martèle : on peut reprocher à sa cliente «de ne pas avoir été une bonne mère», d'avoir menti «à la terre entière», «mais pas les coups mortels». «Il ne faut pas donner le sentiment que c'est la rue qui gagne», explique-t-il en référence aux propos de l'avocat général. Me Mohamed Khanifar, avocat de Berkane Makhlouf, intervient en dernier et saupoudre l'édifice de la défense de quelques instantanés d'amour : l'appartement rempli de jouets ou Fiona à cheval sur les épaules de Berkane Makhlouf. Il dénonce la parole vagabonde de Cécile Bourgeon qui «accuse au gré de ses humeurs» et laisse les jurés méditer sur cette phrase : «Je ne défends pas un saint, je vous l'ai dit. Je ne défends pas un criminel, il vous l'a dit.» La cour d'assises de Riom en a jugé autrement.