Quelques serrures changées, une porte remplacée, des tableaux installés, une intervention express suite à l'inondation de deux classes… La semaine dernière, dans l'école Bugeaud du IIIe arrondissement de Marseille, les techniciens de la municipalité de Marseille n'ont pas chômé. Tout devait être parfait pour la visite, lundi après-midi, de la ministre de l'Education nationale. Après une virée matinale dans les Alpes sur une thématique «écoles rurales», Najat Vallaud-Belkacem doit visiter une série d'établissements de la ville et faire un état des lieux des travaux entrepris par la cité phocéenne depuis plusieurs mois. C'est le deuxième point d'étape effectué par le ministère depuis la mise en route en février d'un plan d'urgence «Ecoles de Marseille», censé éteindre un incendie allumé, trois mois plus tôt, par une enseignante des quartiers Nord. Dans un courrier adressé à la ministre, Charlotte Magri y racontait ses conditions de travail et l'état calamiteux de sa classe.
La presse s'empare de l'histoire, Libération en fait sa une et les témoignages similaires affluent, laissant apparaître une situation chaotique dans de nombreux établissements de la ville. Le ministère s'en mêle, interpellant le préfet de région et le rectorat. La mairie de Marseille, en charge du bâti et de l'entretien des écoles, crie au complot politique et minimise le problème. Avant, finalement, de débloquer des crédits supplémentaires en urgence et de décider une réorganisation de ses services pour faciliter les remontées d'information.
En avril, l'heure est à la réconciliation lors du premier point d'étape réalisé par la ministre. L'Etat décide même d'allouer 5 millions d'euros au titre des crédits de la politique de la ville pour renforcer l'enveloppe municipale. Des travaux sont engagés durant les vacances et c'est serein que Jean-Claude Gaudin annonce, en septembre, que «tous les efforts supplémentaires ont été faits», saluant, au passage, la participation de l'Etat à la facture globale. «Quand il faut dire merci, je dis merci», concède-t-il.
«C’est particulier comme conditions de travail»
Aujourd'hui encore, la visite de la ministre devrait être l'occasion d'une nouvelle salve de congratulations mutuelles. «Il y a eu des travaux, on ne peut pas le nier, mais le problème du manque d'école persiste, relève Annie Lévy-Mozziconacci, élue PS au conseil municipal. Et surtout, on se dit que si on n'a pas un Etat qui encadre, il n'y aurait pas de politique éducative à Marseille. Le discours a changé, mais il faut rester vigilants.» Car si les acteurs de terrain reconnaissent une amélioration, de nombreux problèmes persistent. Des problèmes de place, notamment : ainsi, dans le IIIe arrondissement, où Najat Vallaud-Belkacem terminera sa virée marseillaise, la poussée immobilière pourrait bien entraîner, à très court terme, un embouteillage d'inscriptions dans les écoles publiques.
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Déjà, à l'école Bugeaud, un préfabriqué ouvert en septembre 2015 pour répondre à la demande, l'afflux d'élèves a démarré. «Le 1er septembre 2015, on était à cinq classes. Le 10, on est passé à sept, raconte une enseignante. En janvier 2016, on nous a prévu deux ouvertures supplémentaires à la rentrée 2017 et six mois plus tard, on en programmait une de plus. En douze mois, on est passé du simple au double et à la rentrée 2017, trois nouvelles ouvertures sont prévues. C'est quand même particulier comme conditions de travail…»
«Projets sous-dimensionnés»
Et ce n'est qu'un avant-goût du grand rush prévu pour la rentrée 2017, annoncée comme «explosive» par le Collectif des écoles publiques du IIIe. Ce groupement d'enseignants, de parents et de militants d'associations de l'arrondissement multiplie, depuis juin, les actions pour alerter la municipalité. Si la ville a bien prévu différentes constructions et rénovation à l'horizon 2020, ces projets sont encore sous-dimensionnés par rapport aux 6 000 logements récemment sortis de terre dans le secteur. «Les problèmes de surpopulation génèrent des conditions d'apprentissage très détériorées dans un quartier classé prioritaire par la politique de la Ville, qui cumule déjà de grandes difficultés de pauvreté, emploi, santé, sécurité, manque de crèches, d'espaces sportifs, d'équipements publics…», pointe le collectif dans un courrier qui sera remis lundi après-midi à Najat Vallaud-Belkacem.
La ministre a d'ailleurs prévu de s'entretenir avec des parents d'élèves du quartier. Barbara Miret, la secrétaire départementale adjointe du Snuipp, participera également à une réunion avec ses équipes. Elle compte bien elle aussi faire passer le message. «Il y a un tel gouffre entre ce qui a été fait et ce qui reste à faire, relève-t-elle. Bien sûr que cette "mise sous tutelle" de l'Etat a fait du bien, mais on est encore loin du compte.»