Raphaëlle Morel est conseillère au Planning familial des Bouches-du-Rhône, à Marseille. Si le respect de la confidentialité des échanges lui interdit de nous mettre en contact avec des victimes des sites Internet anti-IVG, elle a accepté de revenir sur les stratégies des vrais faux conseillers à travers trois cas auxquels elle a dû faire face ces derniers mois.
Culpabilisation. «Très récemment, j'ai pris l'appel d'une jeune femme qui avait composé le numéro vert national du Planning familial après avoir contacté un groupe anti-IVG sans le savoir, via des coordonnées trouvées sur Internet. Elle était vraiment sens dessus dessous : la soi-disant conseillère l'avait culpabilisée au point qu'elle ne voulait pas répéter ce qui lui avait été dit. C'est le cas le plus courant : des femmes en plein mal-être, après avoir cru appeler le Planning.»
Harcèlement. «Je reçois en consultation au centre IVG de l'hôpital d'Aix une femme qui a déjà avorté et qui souhaite avorter à nouveau. Avant de venir nous voir, elle a appelé le numéro du site IVG.net. Selon elle, la personne qui a pris son appel était d'abord très bienveillante. A sa demande, elle a donc accepté de lui laisser son numéro de portable. Au fil de leurs échanges, par SMS, c'est devenu du harcèlement. Dans les deux ou trois jours qui ont suivi, elle a reçu une quinzaine de messages, dont certains très violents. Du type : "Vous allez tuer un être vivant", "Si vous faites cela, vous irez en enfer", etc.»
Manœuvres dilatoires. «Une femme de 19 ans, qui a fait un déni de grossesse. Dans un premier temps, elle a appelé un site anti-IVG croyant joindre le Planning - elle voulait des informations sur l'avortement à l'étranger sachant qu'elle allait dépasser les délais légaux mais qu'elle avait encore une chance en Espagne [où la limite pour avorter est fixée à quatorze semaines, deux de plus qu'en France, ndlr]. La personne au bout du fil l'a menée en bateau en reportant plusieurs fois l'entretien. C'est ainsi que cette femme s'est présentée dans nos locaux en me demandant pourquoi mes collègues ne voulaient pas la renseigner : elle a eu du mal à me croire quand j'ai répondu qu'elle avait appelé un autre site ! A ce moment-là, elle avait déjà dépassé les délais, à deux jours près. Et elle attendait toujours une réponse de sa "conseillère"…»