Vendredi matin, plusieurs dizaines d’élèves du lycée professionnel Poinso-Chapuis sortent de leur établissement du sud de Marseille. Les visages sont fermés. On discute de ce qu’il s’est passé la veille : un jeune homme de 16 ans a été tué d’un coup de couteau sous leurs yeux.
Boule végétale. Un petit groupe de six adolescents se détache et s'avance vers l'Abribus situé de l'autre côté d'un parking. C'est à cet endroit, que Karim (1), grièvement blessé, s'est effondré. Le jeune homme est mort peu après dans l'ambulance. «Tout est parti d'une histoire de nique ta mère», résume Tony. Une embrouille futile entre deux garçons d'une même classe : Yann, l'auteur présumé du coup de couteau, et Laurent. Tous deux sont en seconde pro de maintenance nautique. «La semaine dernière, Laurent a jeté une boule végétale qui tombe des arbres sur Yann. Le ton est monté et ils se sont battus. Yann a pris le dessus», raconte un élève. Vexé, Laurent aurait menacé Yann d'une revanche. Une semaine plus tard, jeudi, il attend effectivement Yann à la sortie des cours. Il est 17 heures. Il a fait appel à deux amis, venus du lycée Léonard de Vinci non loin du Vieux-Port.
Décrit comme «costaud», Yann ne fait pourtant pas le poids. Seul contre trois, il tombe à terre et les lycéens sont séparés. «Sa mère était là, pour assister à réunion parents-profs. Elle a vu son fils se faire frapper», précise Marco avant de reprendre : «Il s'est relevé, il a sorti un couteau papillon et là les mecs se sont barrés.»
Seul Karim ne bouge pas. Il est l'un des deux ados venus aider Laurent. «Il était tétanisé, il n'a pas su quoi faire. Yann lui a mis un coup de couteau en plein dans le cou avant de se faire ceinturer», raconte un autre lycéen.
Tout va très vite. Karim recule de plusieurs pas, la main sur sa blessure, puis s'écroule contre l'abribus. Alertés, des professeurs accourent et effectuent les gestes de premier secours : «Il y en a un qui faisait le massage cardiaque et d'autres qui essayaient de comprimer la plaie en attendant les pompiers. C'était la panique !»
«Casier». Yann, sa mère, Laurent, et deux autres lycéens ont été interpellés. Personne n'a cherché à fuir, seul le couteau reste introuvable. Après vingt-quatre heures de garde à vue, le procureur de la République de Marseille, Xavier Tarabeux, a confirmé vendredi les «motifs futiles» du drame : «Il y a eu une dernière dispute [entre Yann et Laurent, ndlr] deux jours auparavant sur une affaire de casier». Au cours de son interrogatoire, Yann a reconnu son implication mais assure ne pas avoir voulu donner la mort. Sa mère a indiqué qu'elle n'était pas parvenue à séparer le groupe au début de la bagarre, aurait alors alerté l'encadrement scolaire et n'aurait découvert l'issue de l'affrontement qu'à son retour. Reste «à établir les conditions précises dans lesquelles ce couteau a été utilisé et à qui il appartenait», a souligné Xavier Tarabeux.
(1) Les prénoms ont été modifiés.