«D’un point de vue psychologique, on peut envisager le renoncement de François Hollande de trois manières. D’abord sous l’angle de la lâcheté, du désistement de soi. On pourrait presque dire, une névrose de réussite. Il sait ne pas être à la hauteur de l’événement, donc il n’y va pas et se soustrait à ce que l’événement exigerait, c’est-à-dire une continuité de la lutte dans un moment critique où les forces conservatrices nationalistes menacent de toutes parts de reprendre l’offensive. Mais on peut aussi le voir au contraire comme une forme de responsabilité supérieure. Il y aurait alors un honneur de ne pas se présenter, le non-agir devenant une action accomplie, un «ne pas» assumé. Entre les deux, il y a une lucidité pragmatique. Tel un joueur qui pressent qu’il va perdre, le Président quitte la table le premier, en conservant un certain panache. La lucidité le fait renoncer car le jeu qu’il a en main ne peut lui permettre de gagner et il faut alors laisser cette possibilité à d’autres.
«Une chose est frappante chez François Hollande, c'est son extrême opacité. Il a beau s'exprimer beaucoup, confer son dernier livre, il est difficile de comprendre les modalités profondes de ses agissements, quelles émotions portent ses actes ou ce qui le motive vraiment. Hollande est paradoxalement dans le verbe et dans l'opacité. Il se lance, s'expose, un peu à la manière d'un Trump. Chez ces hommes, ce qui compte, c'est juste l'acte de la parole, la posture de celui qui parle : le speech act, dirait le philosophe Austin. La parole est énoncée, puis elle se dissout, comme si elle n'engageait plus aucune responsabilité. Comme si ces hommes n'avaient plus de comptes à rendre de la parole dite ou donnée…
«Depuis cinq ans, je me demande qui est François Hollande. Soit c’est un être complexe, supérieurement intelligent, un stratège indéchiffrable, et donc trop subtil pour les grosses ficelles du système économico-politique. Soit c’est un poisson rouge, il n’y a rien qu’une image ondulante derrière la vitre d’un aquarium politique. Une intelligence politique ou un bleu qui se fait prendre comme un petit garçon dans l’épisode incroyable du scooter ou qui se laisse manipuler par des journalistes sans vergogne… Disons que son discours de jeudi soir lui apporte momentanément un peu de solennité.»