Après le retrait de François Hollande jeudi de la course à la présidentielle, réactions de Français croisés à Lille et à Nice.
A Lille, «ça va aller Maurice, y a Macron qui est là»
«Il a bien raison de partir. Pour un socialiste, il a pas fait beaucoup de social. Moi, en tout cas, je veux plus le voir.» Au comptoir du café de la Nouvelle Aventure, sur la place du même nom dans le quartier mi-populaire mi-bobo de Wazemmes à Lille, on répond volontiers aux questions sur le renoncement du Président. «De toute façon, droite, socialistes, extrême droite, on a tous les bottes dans la merde, dit Jean-Pierre, ancien vendeur de pièces détachées automobiles. Moi, je suis à la retraite depuis neuf ans, elle a augmenté de 6 euros.» Il se désole de la perspective d'un Fillon au pouvoir. «J'ai fait les 48 heures hebdomadaires, six jours sur sept, huit heures par jour. C'est trop. Je pense à mes enfants et mes petits-enfants, ils ne seront pas aidés.» Il a voté Hollande en 2012, «parce qu'il fallait réessayer la gauche», mais il se dit «trop déçu. Il faut que j'arrête d'en parler, sinon, ça va me couper l'appétit».
Maurice Thoré, ancien conseiller municipal socialiste, pousse la porte du café. Il trouve «dommage» que Hollande ait jeté l'éponge, et pense qu'on lui «rendra justice» dans quelques années. Eric lui tape sur l'épaule : «Ça va aller Maurice, y a Macron qui est là !» Puis soupire : «Ils pensent qu'à leur gueule. Jamais à nous. Ils sortent de l'ENA, ils savent pas tenir une truelle.» Il avoue tout de même un faible pour Macron. «Quarante ans qu'ils créent du chômage de masse. On est un vieux pays qui ne veut pas changer.» Ce chef d'une petite entreprise de formation se plaint de gagner moins que ses salariés, et de ne pas pouvoir licencier comme il veut : «La loi travail, je dis tant mieux.»
Ne pas se présenter, c'est «une preuve d'humilité, c'est pas une qualité très courante chez les politiques», pense Patrick, un retraité qui a travaillé dans la reprographie. «J'ai été surpris. Dans ce milieu, ils ont tous un ego surdimensionné.» Guy, ancien postier qui trinque avec lui, se dit «très déçu». Encarté au Parti socialiste dans les années 70, il se sent encore «socialiste de cœur». «Je viens d'une famille socialiste lilloise, et ça voulait dire beaucoup. Tous les Montebourg et les Hamon, ils n'en ont rien à foutre des militants.» Il ne voit pas pour qui voter désormais. «Montebourg certainement pas, Macron non plus. Valls éventuellement.» Il en est malade à l'éventualité d'avoir à voter Fillon au second tour contre le FN. Patrick le charrie : «Je t'avais dit d'aller voter Juppé.» «Tout démarre demain», dit Areski (1), artiste, qui vote communiste ou vert au premier tour. Il a découvert que Hollande ne se présentait pas en arrivant au bistrot. «J'ai ouvert la Voix du Nord, et j'ai dit "Ah, il était temps". Il aurait dû le faire plus tôt. Il aurait laissé du champ aux autres et Macron aurait fait moins de mal à la gauche.» Il pourrait voter socialiste au premier tour. «Pour la première fois de ma vie.»
Odette, 83 ans, met son écharpe avant de sortir. Hollande ? «Il fait ce qu'il veut c't'homme. De toute façon, on n'aura pas pire, on n'aura pas mieux.»
A Nice, «c’est tant pis pour sa gueule»
Jeudi soir après 20 heures, quand Jacqueline a allumé son poste de télévision, elle est tombée face à «un homme au visage blanc», avec «sa tête de désolé». Une image loin de celle que cette Niçoise sarkozyste se fait d'un président de la République. «C'est tant pis pour sa gueule. De toute façon, plus personne ne veut de Hollande, estime-t-elle. Il ne nous reste plus que six mois à tenir où il fera de la représentation, comme il s'y attelle depuis quatre ans et demi.» Face à ce renoncement à briguer un deuxième mandat présidentiel, Jacqueline ne voit pas le «dévouement le plus total à la République» d'un homme d'Etat, qu'il avait pourtant prôné. «Ce n'est pas du courage, mais de la lucidité, soutient cette gérante d'une fabrique de parfum de 62 ans. Je pense qu'il ne veut pas affronter ses acolytes à la primaire de peur d'une sévère défaite.» A la dernière présidentielle, Jacqueline avait voté pour son favori de toujours, Nicolas Sarkozy. Un bulletin que plus de 60% des Niçois avaient glissé dans l'urne le 6 mai 2012. Egalement «plutôt à droite», Maguy a, elle aussi, choisi Sarkozy à la primaire et votera Fillon à la présidentielle. «Je suis surprise de la décision de Hollande. Pour la première fois, j'ai trouvé qu'il avait fait un beau discours. Mais ça ne rattrape pas un bilan catastrophique, surtout pour le chômage», se dépêche d'argumenter Maguy, traversant à grandes enjambées la place Rossetti, au cœur du Vieux-Nice.
C'est ici que François Hollande avait fait une escale pendant la campagne des primaires socialistes, à l'été 2011. Alors candidat, il y avait dégusté le sorbet d'un glacier niçois. La dernière fois que François Hollande a fait le déplacement dans la capitale azuréenne, c'était le 15 octobre dernier, pour rendre hommage aux victimes de l'attentat de Nice. «Il n'a pas été à la hauteur. Au niveau de la politique sécuritaire et migratoire, c'est un zéro pointé», juge Arnaud, jardinier de 40 ans. Cathy aussi ne pense qu'aux attaques terroristes qu'a subi la France au moment d'évoquer Hollande : «Il est grand temps qu'il parte. Il a assez massacré de gens. Un président de la République doit protéger ses citoyens. Il ne l'a pas fait», s'emporte cette aide-soignante qui «cumule les emplois» et «élève ses enfants seule». «Heureusement qu'il ne se représente pas. Moi, je veux qu'un homme de l'armée prenne le pouvoir pour remettre de l'ordre et de la sécurité.» En 2017, Cathy s'abstiendra, faute de candidat rejoignant ses idées. Un choix loin d'être celui de Jacqueline. Depuis l'annonce de Hollande, cette inconditionnelle de Sarkozy est même prête à voter à la primaire socialiste. «Au départ, je voulais les laisser entre eux. Mais aujourd'hui, je leur mettrai bien dans les pattes un candidat qui n'a aucune chance, comme Hamon.» Un seul objectif pour Jacqueline : que cette nouvelle gauche sans Hollande ne fasse pas d'ombre à la droite. Lui aussi «sarkozyste convaincu», Francis a fait le choix de Fillon pour 2017 : «Quel que soit le candidat de la gauche, je serai contre lui», anticipe ce prof de physique qui n'a «pas eu l'ombre d'un sentiment» lors de la prise de décision historique du président de la République : «Il fallait qu'il parte avant.»
(1) Le prénom a été modifié.