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Libération
Éditorial

Année zéro

publié le 5 décembre 2016 à 20h26

Ils étaient l'avenir de la social-démocratie européenne. En tout cas sa version «moderne». Comprendre, sociale-libérale. Ils incarnent, deux ans plus tard, sinon son échec, du moins son état d'extrême fragilité démocratique. L'un vient d'être renvoyé violemment par les urnes, l'autre s'apprête à partir dans un combat électoral qui apparaît impossible à relever. Matteo Renzi et Manuel Valls n'ont pas qu'une simple parenté de style en partage : ce parler matador dont on dit qu'ils font les hommes à poigne. Volontaire mais rigide et cassant. L'Italien et le Français partagent surtout une gémellité idéologique : celle d'une gauche qui revendique, justement, de ne plus se piquer d'idéologie. Ils ont la certitude que l'avenir de leur famille politique doit s'imaginer au-delà de ce vieil Etat-providence. Que le marché est un allié objectif dans la lutte contre les inégalités. Que la flexibilité est la condition d'un retour vers le plein-emploi. Il serait injuste de conclure que Renzi ou Valls ont totalement échoué. Ils n'ont juste pas convaincu. C'était pourtant la grande promesse du serment social-démocrate : gouverner pour durer. Ne jamais promettre de grand soir, pour mieux faire la preuve de son efficacité. Et les preuves ne sont pas venues. Comme sur le dossier européen. Là encore, les deux hommes font le même diagnostic : une Europe malade de ses mécanismes de décision et de ses réflexes d'austérité qui font monter les populismes. On se souvient encore des propos fracassants de Matteo Renzi. De cette tentation de renverser la table, sur le mode «vous allez voir ce que vous allez voir». Les Italiens l'ont probablement cru. Et ne voyant rien venir, l'ont sanctionné. Voilà, où nous en sommes. A une sorte d'année zéro d'une social-démocratie sans tête, sans horizon européen, et coupée des classes populaires. Qui se voit débordée à droite par le ressac conservateur et à gauche par la tentation radicale.