Vingt ans qu'il attend ce moment, pas question de tenir une minute de plus. Manuel Valls a annoncé lundi soir qu'il était «candidat à la présidence de la République» dans son fief d'Evry après une introduction expresse sur sa famille et son biotope politique, l'Essonne. «Je veux tout donner, tout donner pour la France qui m'a tant donné», souligne le natif de Barcelone, naturalisé français à 20 ans. Les yeux cernés et les mains crispées sur un pupitre qui proclame «Faire gagner tout ce qui nous rassemble», Valls précise d'emblée qu'il quitte ses fonctions de Premier ministre dès ce mardi matin car il veut «en pleine liberté proposer aux Français un chemin». La construction est alambiquée, le ton est cérémonieux.
Et on se pince quand le théoricien des «gauches irréconciliables» assure aujourd'hui que sa «candidature est celle de la conciliation. Elle est celle de la réconciliation». S'il appelle au rassemblement des «progressistes» en vue de 2017, il ne prononce pas une seule fois le mot «socialiste» dans son allocution de vingt minutes. Manuel Valls sait à quel point il a braqué son camp ses dernières années (lire ci-dessus) et se lance dans un petit mea-culpa. «Moi-même, j'ai pu avoir des mots durs, susciter des incompréhensions. […] Chacun devra faire un effort. Moi le premier», promet-il. Sur le créneau de la gauche réformiste, Valls se doit de se distinguer. Puisqu'il assume le bilan du quinquennat, il répète donc qu'il combine la «force» - comprendre : François Hollande ne l'avait plus - et l'«expérience» qui «ne s'invente pas», ce qui le distingue d'Emmanuel Macron. «La réussite ne se mesure pas au montant que l'on a sur son compte en banque elle se mesure à la lumière que l'on a dans les yeux», ajoute-t-il dans une nouvelle pique à l'ex-ministre.
Celui qui se voit en rempart contre l'extrême droite consacre le cœur de sa déclaration aux thèmes désormais chers au Front national. «Etat fort», «ne plus subir la mondialisation», «refonder le projet européen» : autant de formules destinées à la France des déclassés. «Je veux que les classes populaires, les travailleurs retrouvent leur dignité.» C omme un ultime symbole de son besoin de créer des passerelles, Valls plagie le slogan de la LCR («Nos vies valent mieux que leurs profits») en conclusion pour appeler la gauche à déjouer les sondages la donnant perdante à tout coup en mai 2017: «Nos vies valent mieux que leurs pronostics.»