C’est l’un des services de renseignement les moins connus. Créé en 1990, Tracfin concentrait initialement son action sur le blanchiment d’argent. La cellule de Bercy est désormais en première ligne dans la lutte contre le terrorisme et son financement, comme le montre un rapport rendu public jeudi. Le directeur du service, Bruno Dalles, explique comment Tracfin s’est adapté aux financements, parfois très réduits, des actions terroristes.
A propos des attentats commis en France en 2015, vous évoquez dans le rapport des «financements modiques». Pouvez-vous les chiffrer ?
Il est impossible de donner un chiffre précis, car nous ne sommes pas sûrs d'avoir pu mesurer tout ce qui a été financé. Ces attentats, comme d'autres, représentent des coûts très faibles comparés à des dommages très importants. Quand on lutte contre le financement du terrorisme et les cellules qui s'activent sur le territoire national, on lutte contre du microfinancement. Pour les attentats de janvier, le crédit à la consommation contracté [par Amedy Coulibaly, l'assassin de cinq personnes dans l'Hyper Cacher, ndlr] était de 6 000 euros. Acheter des armes, louer des appartements ou des voitures constituent des dépenses assez modiques.
Un centre de recherche chiffre à 52 800 euros les attentats de janvier et à 82 000 ceux de novembre. Cela vous semble juste ?
Ces estimations me paraissent crédibles, même s’il ne s’agit que d’estimations.
QUELles ÉTAIENT LES SOURCES DE FINANCEMENT DE CES ATTAQUES ET LES MOYENS DE PAIEMENT UTILISÉS ?
Certains auteurs avaient une activité professionnelle, la gestion d’un bar par exemple, certains étaient en lien avec l’économie souterraine - import-export de contrefaçon, petits revendeurs de cannabis. Ils ont aussi recouru aux crédits à la consommation. Le mode de paiement privilégié est l’argent liquide, surtout pour les armes. Pour louer des voitures, il faut des cartes bancaires, et des cartes prépayées anonymes pour les hôtels. Les autres membres du commando avaient une vie simple, travaillaient par intermittence. L’auteur de la fusillade du Thalys était employé dans une entreprise qui distribuait des cartes téléphoniques prépayées en France. Ces personnes ont des ressources de proximité, quelquefois des prestations sociales parce qu’elles y ont droit.
QUELS NOUVEAUX MOYENS DE FINANCEMENT AVEZ-VOUS IDENTIFIÉs ?
Les méthodes traditionnelles continuent de fonctionner - l’argent liquide, etc. S’y ajoutent des collecteurs, c’est-à-dire des intermédiaires qui reçoivent des fonds en liquide, par chèque ou autre, les centralisent et les transfèrent à l’étranger ou les redistribuent aux combattants lorsqu’ils sont déjà à l’étranger. Dans ce travail de collecte, une part peut passer par les plateformes de financement participatif. On voit parfois des cagnottes avec des intitulés évocateurs. Les fonds recueillis, transférés sur zone, financent des départs ou des retours.
UTILISENT-ILS DES PLATEFORMES GRAND PUBLIC, TYPE LEETCHI, lEPOTCOMMUN… ?
Tous les opérateurs qui tiennent une part importante du marché sont susceptibles d’être utilisés.
TRACFIN EST-IL OUTILLÉ POUR REPÉRER CES FLUX, PARFOIS MICROSCOPIQUES ?
Tracfin a besoin que les plateformes de financement participatif soient assujetties aux obligations contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Ce sera le cas à partir du 1er janvier.
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