En plein lancement de la primaire à gauche, consacrer six pages en ouverture de Libération à deux personnalités qui jouent leur carte en dehors de ce cadre aurait pu ne pas aller de soi. C'est comme si, en pleine primaire de la droite, nous avions dédié nos colonnes à un match Henri Guaino versus Rama Yade, délaissant les favoris. Mais la situation à gauche est inverse et l'exercice des primaires pourrait ne faire émerger qu'un simple outsider, contrairement à ce qu'il s'est passé en 2012. Les candidats qui incarnent à ce jour les meilleures chances de la gauche se trouvent justement «hors système». La volonté de Jean-Luc Mélenchon et d'Emmanuel Macron de s'affranchir des règles du jeu rebat toutes les cartes. Ils sont aujourd'hui en train de créer une dynamique autour d'eux avec deux styles, deux positionnements, deux promesses, deux candidatures «solitaires» renforcées - chacun pour des raisons différentes - par le retrait de François Hollande. L'histoire récente - Brexit, Trump, Fillon - nous a montré qu'il fallait être attentif à tous les signaux, faibles ou forts. Et qu'il ne fallait pas suivre les évidences. Exemple encore cette semaine, au moment où un sondage - sur un échantillon de 540 personnes ! - place Manuel Valls favori au premier tour de la primaire et vainqueur potentiel au second, notre reportage durant un meeting dans le Doubs pointait plutôt un manque d'enthousiasme envers l'ex-Premier ministre. N'écouter que les canaux habituels, ce serait aussi de ne pas voir que la campagne de Benoît Hamon rencontre un écho certain, en témoigne son passage réussi à l'Emission politique jeudi soir. Bref, si l'on regarde tout ça, on peut dire que ce match entre Mélenchon et Macron est tout ce qu'il y a de plus normal dans la course au meilleur candidat pour la gauche. Et qu'il y aura probablement quelqu'un pour venir troubler ce duel.
Éditorial
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Jean-Luc Mélenchon le 29 novembre 2016. (Photo Thibaud Moritz pour Libération)
par David Carzon
publié le 9 décembre 2016 à 19h56
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