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Libération
Décryptage

Islam de France : les financements et la formation des imams en discussion

Publié le 11/12/2016 à 20h26

Le culte musulman s’engage dans une réforme de fond. Réunie lundi pour la troisième fois au ministère de l’Intérieur, l’instance de dialogue avec l’islam s’attaque à la question épineuse des financements et à celle très stratégique de la formation des imams. Les participants vont notamment évaluer les besoins financiers et réfléchir à une mutualisation les ressources.

L’islam de France peut-il s’autofinancer ?

L'objectif est que l'islam de France prenne son indépendance financière à l'égard de pays comme l'Algérie, le Maroc, la Turquie ou des Etats du Golfe, dontles fonds servent souvent à la construction de mosquées. Mais où trouver l'argent pour se détacher de ces financeurs ? En partie, auprès des fidèles. «Pour le moment, ce sont principalement les mosquées qui collectent les dons», explique un expert du dossier. Une contribution pourrait ainsi être demandée aux pèlerins qui se rendent à La Mecque pour le hajj (environ 30 000 personnes en partance de France chaque année). Mais le principal chantier consiste à mobiliser les «acteurs» du halal. En particulier la dizaine d'organismes de certification (qui vérifient la conformité des produits), indépendants ou affiliés aux trois grandes mosquées de Paris, Lyon et Evry, qui risquent fort de rechigner à laisser un peu de leur monopole actuel. Selon le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Anouar Kbibech, à la manœuvre dans ce dossier, les fonds collectés pourraient s'élever à une vingtaine de millions d'euros par an et serviraient notamment à la création de lieux de culte.

Comment organiser un nouveau système ?

La clé de voûte serait une association cultuelle nationale, placée sous le régime de la loi de 1905. Distincte de la Fondation de l'islam de France, présidée par Jean-Pierre Chevènement, elle deviendrait l'organisme collecteur et redistributeur des fonds, une structure éminemment stratégique. Optimiste, Anouar Kbibech promet que les statuts seront déposés avant le 1er janvier. «Il reste à régler des problèmes liés à la gouvernance», explique-t-il à Libé. L'enjeu est de savoir comment va s'organiser le pouvoir au sein de l'association. Les grandes fédérations, peu représentatives auprès des jeunes générations, ne semblent guère disposées à leur laisser un peu de place.

Quid de la formation des imams en France ?

L'optique serait d'articuler formations privées et formations universitaires, en islamologie principalement. Mais le bât blesse sur les cursus théologiques. Le ministère de l'Intérieur a dû renoncer pour des raisons constitutionnelles à un projet très embryonnaire de faculté de théologie musulmane à Strasbourg. Aujourd'hui, il existe bien quelques centres de formation musulmans privés, notamment celui lié à l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), ou celui affilié à la Grande Mosquée de Paris. Mais de l'avis d'un intellectuel musulman, «l'enseignement dispensé, principalement axé sur le droit traditionnel, est peu adapté à la réalité française». Un autofinancement se révèle là encore primordial car il permettrait d'imaginer d'autres modes de formation, comme la création d'une université privée, sur le modèle des facultés de théologie catholique ou protestante déjà existantes.