Ce mercredi soir à la Bourse du travail de Grenoble (Isère), les anciens salariés de l'entreprise Ecopla toujours mobilisés invitent tous ceux qui les soutiennent à leur «assemblée générale constituante», organisée avec le journal Fakir et son rédacteur en chef, François Ruffin, réalisateur du film Merci patron !. On entendra aussi à la tribune Frédéric Lordon, «économiste atterré», sociologue et autre promoteur avec Ruffin du mouvement «Nuit debout» du printemps.
Un troisième homme de la génération précédente sera là, avec tout son poids symbolique : Charles Piaget, ancien syndicaliste chez l’horloger Lip, référence incontournable du mouvement autogestionnaire à la française depuis les années 70. La CGT iséroise s’est également impliquée dans l’organisation de la soirée.
Ecopla, usine iséroise de fabrication de barquettes en aluminium située à Saint-Vincent-de-Mercuze (Isère), est placée en liquidation judiciaire depuis mars. Elle était pourtant rentable et ses carnets de commandes pleins, mais elle avait été mise en détresse par des malversations financières de grands actionnaires étrangers prédateurs. Les ex-salariés n’avaient pas tardé à monter un projet de reprise en Scop, avec l’embauche de vingt salariés, puis une trentaine de plus dans les trois ans. Le tribunal de commerce de Grenoble leur avait pourtant préféré en juin, en vertu de la priorité accordée au remboursement des créances de l’usine liquidée, l’offre d’un concurrent italien d’Ecopla, Cuki Cofresco, qui met 1,5 million d’euros sur la table pour solder les comptes, récupérer les précieuses machines et laisser sur le carreau les soixante-dix-sept salariés licenciés.
Dans l'usine d'Ecopla, à Saint-Vincent-de-Mercuze (Isère), le 3 octobre. Photo Pablo Chignard. Hans Lucas pour Libération
«Et si on reprenait l'usine ?»
Les différents recours en justice portés par le collectif des ex-salariés contre la décision du tribunal de commerce ont tous échoué cet automne. Cuki Cofresco a mis les scellés sur les locaux d'Ecopla, il ne leur resterait plus qu'une issue, le passage en force. «Les Ecopla s'interrogent : et si on reprenait l'usine ? Et si on faisait tourner les machines ? Et si on fournissait nos clients ?» explique le tract de convocation à l'AG de mercredi soir.
«Le cas Ecopla sera discuté, débattu avec vous. Et ensuite, c'est vous qui voterez, poursuit le texte qui porte le style de Ruffin. Mais attention : ce vote vous engage. Si vous votez pour que "oui, on reprenne l'usine", ça signifie que, derrière, vous allez tracter dans votre fac, votre boîte, votre asso, que vous serez présents le jour J, que vous aurez rempli votre voiture avec quatre, cinq copains, que vous amènerez du vin chaud et une guitare pour réchauffer les corps et les cœurs. Et comme ça, ensemble, nous serons des milliers à Saint-Vincent-de-Mercuze. Et comme ça, ensemble, nous ferons de cette lutte un symbole, celui de travailleurs qui ne plient pas devant la Finance, qui ne cèdent pas à l'impuissance, qui reprennent en main leur destin commun.» L'AG, baptisée «Alu debout !», s'annonce donc chaude. Elle sera retransmise en direct ce mercredi soir, à partir de 19 heures sur le site du journal Fakir.