Un psychiatre condamné à dix-huit mois de prison pour un meurtre commis par un de ses patients… Stupeur dans le monde de la psychiatrie, qui décèle dans ce jugement une fatale dérive qui voudrait que, faute d'avoir envisagé la dangerosité de son patient, un médecin soit alors coupable des actes de celui-ci ? «Les conséquences de cette décision sont dramatiques pour les malades et la profession», a réagi ainsi Norbert Skurnik, vice-président de l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique. «Les schizophrènes n'ont pas vocation à être enfermés, ce ne sont pas une population criminogène, il y a un passage à l'acte meurtrier tous les 3-4 ans, cette population est plus souvent victime de violence.» Certes mais s'agit-il bien de cela ? En matière de folie on navigue souvent entre déni et fatalisme. Et l'on sort souvent les grands principes comme étendard unique.
En l’occurrence, il est bon de rappeler que la première des violences, ce sont les grands malades mentaux qui la subissent. Il est nécessaire encore d’insister que la folie meurtrière n’a ni sens ni prévisibilité, et le risque zéro, là comme ailleurs, n’existe pas. Enfin, la multiplication des pratiques de contention et d’isolement, comme on le voit aujourd’hui dans les hôpitaux psychiatriques, outre leur caractère bien souvent arbitraire, n’est en rien une garantie de protection pour la société : le mur de l’asile est toujours franchissable.
Mais alors quoi faire ? Revenons aux faits. Dans le drame survenu à Grenoble - un étudiant de 18 ans qui a eu la mauvaise idée d’aller se promener dans une rue commerçante de la ville a été poignardé par un malade de l’hôpital de Saint-Egrève en fugue -, le patient en question avait tué une résidente d’une maison de retraite en 2006, il avait alors été placé dans cet hôpital isérois. L’instruction a montré ensuite que pendant deux ans, le psychiatre qui en avait la charge ne l’a pas rencontré, ni eu en consultation.
Trois jours avant sa fugue, une décompensation inquiétante du patient a été notée par l'équipe soignante, et le psychiatre n'a pas jugé bon de réagir. «Ce n'est jamais simple de savoir pressentir la dangerosité d'un patient», tempère le Dr Alain Mercuel de l'hôpital Saint-Anne. Il n'empêche, la prise en charge de ce patient était pour le moins à éclipse. Est-ce que cela vaut, pour autant, d'être condamné pour homicide involontaire comme l'a décidé le tribunal de Grenoble ? En tout cas, à la même époque, dans le même hôpital, des patients étaient eux, attachés et isolés depuis des semaines, hors de tout cadre clinique, sans que cela ne préoccupe personne. Mais c'est évidemment une autre histoire…