Baiser forcé sur la poitrine, main sur le pénis, caméra cachée qui tourne au canular morbide… Touche pas à mon poste, le talk-show de Cyril Hanouna est déjà dans le collimateur du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) qui a engagé fin novembre une procédure de sanction contre la chaîne C8. A cela s'ajoutent les propos stigmatisants à l'encontre des minorités, régulièrement tenus par les chroniqueurs de cette émission, dénonce l'Association des journalistes LGBT (AJL). S'appuyant sur l'analyse de vingt émissions diffusées en novembre, l'AJL relève «l'obsession» de l'animateur pour l'homosexualité. En un mois, lui et ses chroniqueurs ont abordé 42 fois le sujet, «souvent pour en rire de manière rabaissante». 28 mentions étant «de mauvais goût» et «à caractère sexuel», selon l'AJL, qui en a diffusé mercredi un relevé complet sur son site.
Premier visé, le chroniqueur Matthieu Delormeau, souffre-douleur de Hanouna et «outé» contre son gré sur le plateau fin septembre. Il fait notamment l'objet «d'allusions incessantes à son homosexualité», pointe l'Association des journalistes LGBT.
Exemple le 2 novembre : les chroniqueurs discutent de l'émission la France a un incroyable talent. Hanouna : «Il y a un mec qui s'empale sur la tige, y'avait Delormeau hier dans Incroyable Talent ?» Le même jour, chacun doit donner une chanson sur laquelle il a fait l'amour. Au tour de Delormeau : «C'est une très jolie chanson, j'espère que vous aurez un jour l'occasion de l'entendre…» Hanouna : «Pas avec vous. Non mais je vais t'expliquer, celui qui va me "ken" [niquer, ndlr], il est pas né.» Au-delà de l'homophobie, l'AJL a également recensé 20 remarques sexistes. Les femmes étant régulièrement réduites à leur apparence physique.
Ces remarques ne sont pas sans conséquence sur les jeunes, cœur de cible de l’émission : «L’air de rien, elles dessinent dans l’esprit du public ce qu’il est possible de faire chez soi, avec ses ami-e-s, au travail, au lycée : se moquer des personnes LGBT pour ce qu’elles sont, les transformer en animal de foire sous couvert d’humour, les accepter (un peu) pour les humilier (beaucoup)», déplore l’AJL. «Sur un jeune qui est en construction, ce type de propos a clairement un impact et peut augmenter le sentiment d’être rejeté», confirme Virginie Combe, porte-parole de l’association SOS Homophobie, qui rappelle qu’un adolescent LGBT a quatre fois plus de risques de se suicider qu’un jeune hétéro. «Tenir ces propos dans un média grand public, c’est plus que les banaliser, c’est les cautionner», poursuit Virginie Combe. L’injure publique à caractère homophobe, raciste ou sexiste est passible de six mois de prison et de 22 500 euros d’amende. Contacté par Libération, le CSA indique avoir pris connaissance de la recension «éclairante» de l’association.