Etrange jugement en vérité… Christine Lagarde s'est bien rendue coupable de négligence mais elle n'encourra aucune sanction. On se gardera ici de jouer les Savonarole ou de vouloir la mort du pécheur. Au vrai, celle qui fut ministre de Nicolas Sarkozy et de François Fillon a joué dans cette affaire Tapie un rôle secondaire. Au pire, selon l'hypothèse qui court dans toutes les têtes, mais que la Cour n'avait pas à examiner directement, elle s'est conformée à la volonté venue d'en haut en entérinant un arrangement concocté en dehors d'elle entre Bernard Tapie et l'exécutif. On comprend aussi - peut-être trop bien - l'intention de la Cour de justice de la République : condamner la prévenue mais ne pas endosser la responsabilité de son éviction de la tête du Fonds monétaire international (FMI), poste qui flatte la vanité française et que le gouvernement souhaite qu'elle conserve. Mais qu'en retiendra l'opinion ? Une impression de demi-mesure et donc de demi-justice. Les juges invoquent le fait que le préjudice (quelque 400 millions soustraits aux caisses de la puissance publique) a été réparé. Il est vrai que l'arbitrage favorable à Tapie a été annulé. Mais comme «Nanard» s'est opportunément déclaré en «sauvegarde» et qu'il gardera l'argent tant qu'un autre tribunal ne l'aura pas contraint à le rendre, la faute n'est effacée qu'en théorie. En réalité, le magot est toujours dehors… Dès lors, le justiciable ordinaire, avec lequel on prend souvent moins de gants, en tirera l'idée que le quidam, ne disposant pas d'une «réputation internationale», selon les termes du jugement, ne pourra bénéficier d'une semblable indulgence. C'est François Bayrou, citant La Fontaine, qui a tiré la morale de l'histoire, telle que beaucoup de Français la comprendront : «Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour [de justice] vous rendront blanc ou noir.»
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