Youssoufi Touré rattrapé jusqu'en Guyane. L'ancien président de l'université d'Orléans, devenu il y a quelques mois recteur de cette collectivité d'outre-mer, a fini par démissionner, quelques jours seulement après les révélations de Libération sur sa gestion hasardeuse de la fac du Loiret.
Au travers d'une communication sibylline, le rectorat de Guyane a confirmé, mardi soir, qu'il quittait ses fonctions séance tenante. «C'est une affaire tragique qui ne pourra raisonnablement pas rester sans suite», assure un proche du dossier. Une affirmation confirmée par le ministère de tutelle, qui attend le rapport final des inspecteurs de l'Education nationale pour, éventuellement, prendre des sanctions en interne. Et engager une possible procédure judiciaire. En remplacement, le Conseil des ministres a annoncé mercredi la nomination d'Alain Ayong Le Kama, économiste de l'université Paris-Ouest.
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Ne souhaitant toujours pas se justifier sur son lourd passif, qui a conduit l'université d'Orléans à engranger un déficit cumulé de 15 millions d'euros, Youssoufi Touré a tenu une conférence de presse, retransmise via le compte Facebook du rectorat. Une capture de piètre qualité durant laquelle il s'est présenté comme une victime des médias. «Je suis vraiment désolé de ce que j'entends et ce que je lis depuis des jours, du départ du recteur, des multiples raisons qui n'en sont pas», regrette-t-il, avant d'assurer qu'il n'y avait pas «une once de réalité ou de vérité» dans les articles qui ont dénoncé son fonctionnement autocratique, voire arbitraire. Y compris au rectorat de Guyane qui a connu, depuis sa nomination en mars dernier, d'importants mouvements sociaux.
Le monde syndical atterré
«Je vais me défendre en faisant en sorte que ce à quoi je crois réussisse le mieux possible», a affirmé Touré, qui assure partir de son plein gré. Avant d'étoffer son propos de citations et métaphores parfois lunaires. «Il faut savoir s'effacer pour faire réussir ce en quoi on croit certaines fois»; «Je ne pars pas pour, je pars contre»; «La taille des feuilles ne fait pas la profondeur des racines»… Jusqu'à cette sentence ultime: «Toute l'énergie dépensée pour rectifier le passé n'est pas utilisée pour construire l'avenir». Et avant de justifier son «départ» de Guyane par des «crispations» sur sa «personne» et des «difficultés de connexions» avec ses collaborateurs et le monde enseignant. «Depuis le mois d'octobre, le recteur ne remplit pas complètement ses fonctions», a-t-il dit de lui-même, se qualifiant au passage de «pire recteur depuis vingt ans».
Sur place, l'annonce de son départ a provoqué la colère. D'autant que débute la préparation de la prochaine rentrée scolaire. Passé mars, les choix académiques devront être opérationnels. Pour l'UNSA-Education Guyane, «ce énième départ précipité provoquera à nouveau des dysfonctionnements sur la prochaine carte scolaire, portera préjudice à la réorganisation des services, aux travaux mis en place sur les transports et aux projections sur les constructions d'établissements». Le syndicat dénonce également la «gestion hasardeuse du ministère au détriment des enfants de Guyane et rappelle son attachement à la nomination d'un recteur expérimenté». Un autre syndicaliste confirme: «On a besoin d'un recteur qui soit un excellent gestionnaire, car la plus grande opacité entoure l'utilisation des moyens humains et financiers de l'académie de Guyane. Il faut remettre de l'ordre».
Les syndicats l'ont d'autant plus mauvaise que leur académie, comptant parmi les plus sinistrées de France, sert souvent de marchepied à ceux qui souhaitent accéder à la fonction de recteur en France. Du coup, ce nouveau scandale a du mal à passer. «Nous revoilà encore avec plusieurs mois de perdus et une pointe de colère envers le ministère à qui on a de cesse de demander de l'attention dans la nomination des recteurs et dans le suivi de leur installation», s'agace un syndicaliste.