Davantage de laïcité, de policiers, et des heures supplémentaires défiscalisées. Pour son premier meeting de campagne, ce dimanche, Manuel Valls a déroulé un programme «de redressement national» qui lui ressemble, dans un lieu où on ne l'attend pas : l'hôtel de ville de Liévin (dont le maire le soutient), dans l'ancien bassin minier du Pas-de-Calais. Valls vient y chercher la légitimité ouvrière qui lui manque.
Envolées
C'est un petit meeting : 200 à 300 personnes. Parmi eux, des militants de la section socialiste du cru, plutôt fans. «C'est quelqu'un de courageux, de travailleur, et qui ne quitte pas son poste», dit Jean-Marie, fils et petit-fils de socialiste, jardinier employé par la ville de Liévin. La section compterait entre 700 et 800 adhérents, dont de nombreux salariés municipaux, qui ont l'habitude de voter comme leur maire. Mais Jean-Marie avertit : «Manuel, il ne faut pas qu'il écœure son électorat.» Le 49.3, par exemple, était «une bêtise, les syndicats n'ont pas apprécié». Marie-Josée, enseignante retraitée, se dit socialiste, mais pas encartée. «Je suis venue écouter. Le plus important, c'est la laïcité. Je défendrai celui qui la défendra. Le PS n'est pas assez à gauche pour moi, c'est pour ça que je ne suis pas adhérente.»
Manuel Valls est passé deux fois par Liévin, quand il était Premier ministre : en novembre 2014, pour les quarante ans d'un coup de grisou qui avait tué 42 mineurs, et en juin dernier, pour lancer un programme de réhabilitation du logement minier dégradé. Au micro, il est entouré de jeunes militants, devant la fresque murale très réalisme socialiste qui commémore la venue de Mitterrand vingt-deux ans plus tôt. Entre deux envolées à la gloire du monde ouvrier et des luttes sociales de mineurs, le candidat évoque des prêts à taux zéro pour tout créateur d'entreprise, un service civique obligatoire de six mois, des heures sup défiscalisées - «Je n'ai pas peur de revenir sur une mauvaise décision, j'assume de redonner du pouvoir d'achat» -, une hausse de 10 % de la retraite minimale, 1 000 nouveaux postes de policiers par an, et «l'approfondissement» du compte personnel d'activité parce que «chaque Français doit pouvoir accéder à une nouvelle qualification tous les dix ans». Mais aussi un «revenu décent» de 800 euros par mois, qui se différencie du «revenu universel» de Benoît Hamon : «Je ne crois pas à cette somme unique versée à ceux qui en ont le plus besoin, de l'ouvrier jusqu'à Madame Bettencourt, 300 milliards d'euros, impossible à financer», a-t-il ironisé. Avant de se montrer plus agressif envers François Fillon, le candidat de la droite : «Il se dit gaulliste social. Où est le social quand on supprime des postes d'agents hospitaliers, de travailleurs sociaux, quand on remet en cause la Sécurité sociale, alors qu'elle est le fruit du Conseil national de la résistance ? Où est le gaullisme, l'indépendance, quand on propose l'alignement sur la Russie de Poutine ?»
«Par politesse»
Ici à Liévin, où le FN grignote toujours plus de voix - 49,95 % pour Marine Le Pen au second tour des régionales -, il met en garde contre un deuxième tour Fillon-Le Pen : «Je ne veux pas que le peuple de gauche se retrouve à choisir en mai prochain entre la droite dure, conservatrice, qui se réclame de Margaret Thatcher, et l'extrême droite qui ruinerait le pays.» Le moment le plus applaudi : son envolée pour la laïcité, contre «le salafisme» et les «Frères musulmans». Marie-Josée, l'enseignante retraitée, grimace : «Il ne parle jamais des avantages dont bénéficie l'Eglise catholique. On devrait supprimer les écoles confessionnelles subventionnées par l'Etat, ça ferait plus de moyens pour l'école publique.» Elle ajoute : «La défiscalisation des heures supplémentaires, je ne comprends pas. Il faut augmenter un salaire de base, pas obliger les gens à travailler 50 heures pour avoir un revenu honnête.» Jean-Louis, adhérent à la section de Liévin, trouve au contraire que c'est une bonne idée, mais ajoute qu'il est venu «par politesse» et ne veut pas de Manuel Valls, à cause de son bilan à Matignon. Et puis parce qu'il ne sent pas l'ancien Premier ministre «du côté des ouvriers». «Vous avez remarqué ? Il n'a pas dit une seule fois "camarades".»