Un car qui dérape, probablement sur du verglas, et termine dans le fossé, dimanche matin à Charolles (Saône-et-Loire). Parmi les Portugais qui étaient montés à bord pour retourner en Suisse, quatre sont tués et une vingtaine blessés, dont trois dans un état grave. Le Premier ministre, Bernard Cazeneuve, a exprimé «la solidarité du gouvernement». Le 29 mars, c'était déjà un minibus transportant des Portugais revenant de Suisse qui percutait un camion dans l'Allier. Entre Paray-le-Monial et Mâcon, en Saône-et-Loire, la route nationale 79 est une simple bande à une voie dans chaque sens. Comme à la campagne.
Sauf que ce tronçon fait partie de la route Centre-Europe Atlantique (RCEA), un axe de plus de 1 000 kilomètres qui traverse la France d'est en ouest, voit passer 40 % de poids lourds et, dans ses parties non aménagées de l'Allier et de la Saône-et-Loire, bat tous les records d'accidents mortels. Sur cet axe que les riverains et les gendarmes ont rebaptisé «route de la mort», entre Montmarault dans l'Allier et Mâcon en Saône-et-Loire, «le taux de mortalité est cinq fois supérieur à d'autres routes nationales du même type», écrivait la Gazette des communes en 2013.
Ecotaxe. L'unanimité règne sur la solution technique à apporter, à savoir passer à deux fois deux voies avec un séparateur central. Bref, ce que l'on voit partout et même tout au long de la RCEA, sauf dans l'Allier et la Saône-et-Loire. Car ce qui divise, c'est le financement. Le budget total des travaux est évalué à un milliard d'euros. Sur cette route nationale, c'est en principe à l'Etat de passer à la caisse. Mais en 2011, Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre de l'Ecologie, annonce que le gouvernement a proposé aux sociétés d'autoroutes de prendre cette voirie sous concession dans l'Allier et en Saône-et-Loire. A charge pour eux de faire les travaux. Et pour les usagers, d'acquitter un péage. A l'époque, Arnaud Montebourg est président du conseil général de Saône-et-Loire. La décision du gouvernement de droite l'ulcère et il n'est pas seul dans son combat : ni les habitants ni la fédération nationale du transport routier ne veulent entendre parler d'un péage.
Même le député UMP de Saône-et-Loire, Gérard Voisin, regarde la solution de la concession avec méfiance. Il proposait «d'utiliser la redevance poids lourds pour financer les travaux», projet ensuite repris par le conseil général présidé par Montebourg. L'Etat transférerait la route aux deux départements et leur permettrait de financer les travaux grâce à l'écotaxe dont l'entrée en vigueur était alors prévue pour 2013. En décembre 2011, il avait même organisé une «votation citoyenne» qui recueillait - ô surprise - 94,8 % de non au projet de péages.
Agitation utile ? En janvier 2012, peu avant la présidentielle, Nathalie Kosciusko-Morizet abandonnait l’idée de la concession au profit de la solution transfert plus écotaxe. Sauf que l’écotaxe a fait long feu. A son arrivée, le gouvernement de gauche a commencé par geler la mise en concession, après quoi Frédéric Cuvillier, alors chargé des Transports, a annoncé «un plan de relance RCEA» pour 440 millions d’euros sur onze ans. En clair, une accélération des travaux.
«Rythme». Aujourd'hui, Alain Vidalies, ministre des Transports, a rappelé dans un communiqué publié après l'accident de ce dimanche matin que le gouvernement avait «engagé [une opération] de plus d'un milliard d'euros sur les deux départements de l'Allier et de la Saône-et-Loire». Et de préciser : «Il s'agit de l'un des plus grands chantiers routiers de France.» Il assure que «le calendrier d'aménagement connaît un rythme soutenu». Mais avec deux accidents graves en moins d'un an, cela sera-t-il suffisant ?