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Libération
La France Invisible

«Le tous pourris, ça ne m’intéresse pas»

(BiG)
publié le 9 janvier 2017 à 19h36

Pendant la présidentielle, Libération va sonder, chaque jour de la semaine, six lieux différents de la «France invisible». Ce mardi, les abords du canal Saint-Martin de Paris.

Un banc public du quai de Valmy, dans le Xe arrondissement. En journée, Christian, sans-abri depuis un an et demi, en a fait son QG. Avec ses lunettes un peu déglinguées et son bandana, ce Franco-Suisse de 44 ans est une figure du quartier. Incollable sur l'actualité, il devient intarissable dès qu'on parle de politique.

Pourtant, «Chris» ne votera pas. Il n'a plus de carte d'identité. Il serait de toute façon bien en peine de trouver un candidat à son goût. Cet ancien sommelier est de gauche, mais demeure rétif à la «discipline des partis». En 2002, confronté au choix Le Pen ou Chirac, il a inscrit sur le bulletin : «Entre le point de détail et le bruit et l'odeur, quelle est la différence ?»

Il y a cinq ans, il s'est laissé tenter au premier tour par Eva Joly («Elle avait l'air honnête»), puis par François Hollande au second («J'ai cru au discours du Bourget»). On ne l'y reprendra plus, mais il n'a pas cessé de croire en la politique. «Le "tous pourris", ça ne m'intéresse pas. A la fin, ce sont quand même eux qui nous gouvernent.»

Christian se révèle social-démocrate,plus prompt au compromis que ses tweets à la sulfateuse (Libération du 15 décembre) ne le laissent paraître. «Bah oui, je suis suisse», rigole-t-il. Les gens de la rue sont très peu nombreux à voter. Tant pour des raisons pratiques (pas de carte d'identité, domiciliation éloignée) que de fond : «Quand t'es dans cette situation, tu fais un constat d'échec, de ta vie personnelle et ensuite du système, décrit-il. Forcément, ça alimente le désintérêt.»

Le parti qui séduit, selon lui, le plus les SDF serait le FN, «leur discours est plus simple et ils sont très forts sur les réseaux sociaux». Les «fachos», comme il les appelle, constituent sa principale cible sur Twitter. Pas question de les laisser tranquilles, même s'il avoue s'être adouci : «Au début, tu fais un peu dans le gros rouge qui tache. Aujourd'hui, je serais plus un petit vin des Pays-de-la-Loire.»