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Logement

A Tours, le centre d’hébergement d’urgence fermé

Le foyer Albert-Thomas a été placé en liquidation judiciaire pour un déficit de 60 000 euros. La municipalité de droite n'a pas jugé bon de lui venir en aide. Le soutien aux résidents et aux salariés s’organise.
publié le 11 janvier 2017 à 11h33

«En plein hiver, fermer 36 places d'hébergement d'urgence, comment est-ce possible ?» Attablé dans l'ancien bureau de direction, Georges, un animateur social autodidacte d'une quarantaine d'années, semble ne pas y croire. Depuis qu'a été prononcée la liquidation judiciaire du foyer Albert-Thomas, où il travaillait depuis plusieurs mois, la sidération est de mise. Pourtant, dans cet ancien bâtiment administratif de la vieille ville de Tours, coincé entre la cathédrale et les bords de Loire, la vie suit son cours. Ici, la trentaine de résidents, essentiellement des migrants et des demandeurs d'asile, s'activent pour maintenir les lieux habitables. «Le foyer n'a jamais été aussi propre que depuis qu'il est autogéré», s'amuse Georges. De fait, des chambrées de quatre lits aux sanitaires en passant par la salle commune, le foyer respire l'entretien. «Nous nous sommes donnés à fond, bossant seuls pour assurer l'accueil, l'écoute, la préparation des repas, l'orientation, le sanitaire et tout ça pour finir par se faire licencier sur un simple SMS. C'est consternant», déplore le travailleur social.

Siakha, un résident originaire du Sénégal, sort tout juste de réunion. Ce demandeur d'emploi en attente de logement préside le collectif des résidents. Chaque jour, le point est fait sur une situation qui demeure incompréhensible. «Il y a eu de nombreux dysfonctionnements qui ont conduit l'association gestionnaire du foyer à accuser un déficit de 60 000 euros, soit près de 15% de son budget», explique un porte-parole de la préfecture d'Indre-et-Loire qui regrette «l'absence de personnels réellement formés» : «Cette dérive se double d'une véritable opacité dans l'attribution des places, le foyer n'ayant pas intégré le dispositif de répartition du 115.» Une accusation que Christophe, l'ancien directeur, réfute avec vigueur. «Nous nageons en pleine hypocrisie, assène-t-il. Tous les foyers doivent gérer la présence massive de migrants et l'idée d'instaurer une répartition idéale entre droits communs et réfugiés est un leurre.» L'ancien cadre pointe «l'incompétence de ces dispositifs de répartition» pour justifier une occupation quasi permanente des 36 lits proposés par cette structure inaugurée au milieu des années 80.

«Drame humain»

Localement, le soutien aux résidents et aux salariés s'organise. Une nouvelle manifestation est programmée ce jeudi, place Jean-Jaurès, face à l'hôtel de ville. «Le trou de l'association correspond à ce que la ville verse annuellement en subventions à la Cité de la gastronomie, raille Jacques, membre du comité de soutien qui regroupe associations, partis et syndicats. Et je ne parle pas des festivités autour du Saint-Martin local qui se chiffrent en centaines de milliers d'euros.»

Selon Alain Dayan, ancien élu local et actuel secrétaire de la section socialiste de Tours, la municipalité de droite porte une lourde responsabilité : «Il y a eu une maladresse politique à l'origine de ce drame humain. La ville, propriétaire des murs et bailleurs de l'association via le centre communal d'action sociale, aurait dû accompagner le foyer et suivre ses comptes.»

«La bataille ne fait que commencer»

Jean-Patrick Gille, le député socialiste de la circonscription de Tours, compte sur la volonté du préfet pour sortir de la crise : «Plutôt que d'être dans la dénonciation à tous crins, je recherche l'efficacité et je pense que la préfecture va trouver un repreneur, même si, localement, ces derniers traînent un peu des pieds.» La préfecture confirme le lancement prochain d'un appel à projets flanqué d'un cahier des charges rigoureux. «La place des demandeurs d'asile est en centre d'accueil spécialisé, pas dans ce genre de structure, assure son porte-parole. Avec une répartition au niveau national de la dizaine de personnes concernées, nous devrions y arriver.» Siakha et ses camarades préviennent. «Nous avons refusé des places en gymnase, ce n'est pas pour accepter d'être dispersés pour rien. Nous ne partirons que pour une solution durable.» Pour Justin, militant du droit au logement, la situation du foyer n'est pas isolée. «Sur la ville de Tours, il y a près d'une centaine de personnes qui n'ont pas accès à un hébergement d'urgence. La bataille ne fait que commencer.»

Contacté par Libération, l'ancien président de l'association gestionnaire du foyer Albert-Thomas n'était pas joignable. La ville de Tours s'est également inscrite aux abonnés absents.